Plusieurs syndicats ont appelé les personnels du ministère des Affaires étrangères à se mettre en grève le 2 juin pour contester plusieurs réformes, dont celle mettant fin au corps diplomatique français.
Le précédent mouvement d’ampleur date de 2003. Plusieurs syndicats ont appelé à la grève le 2 juin au Quai d’Orsay, un événement rarissime dans la diplomatie française. Ils entendent ainsi exprimer leur «malaise» face à une «avalanche de réformes», particulièrement celle mettant fin au corps diplomatique français. Il s’agit du deuxième mouvement de grève dans l’histoire du ministère, la première ayant eu lieu en 2003 pour protester contre des réductions d’effectifs et d’indemnités. Selon Olivier da Silva, responsable du syndicat des cadres CFTC, cette deuxième mobilisation reflète un «véritable malaise dans une maison qui n’a pourtant pas une tradition frondeuse».
Les syndicats et les diplomates dénoncent un démantèlement de l’outil diplomatique de la France «Le quai d’Orsay disparaît petit à petit», s’inquiètent les six syndicats représentant les personnels du ministère, ainsi qu’un collectif de 400 jeunes diplomates, dénonçant notamment la réforme actant la fin des diplomates de carrière, la réduction des activités consulaires et des suppressions de postes (-50% d’effectifs toutes catégories en moins en 30 ans, selon eux). «Ces mesures démantelant notre outil diplomatique sont un non-sens au moment où la guerre vient de faire son retour en Europe», écrivent-ils.
La réforme la plus controversée concerne la «mise en extinction» progressive d’ici à 2023 des deux corps historiques de la diplomatie française, à savoir les ministres plénipotentiaires et les conseillers des affaires étrangères. Les diplomates concernés – quelque 700 personnes – sont appelés à rejoindre un nouveau corps des «administrateurs de l’Etat». La réforme de la haute fonction publique voulue par Emmanuel Macron prévoit en effet que les hauts fonctionnaires ne seront plus rattachés à une administration spécifique mais seront, au contraire, invités à en changer régulièrement tout au long de leur carrière. «Cela a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il y a une inquiétude magistrale sur la suite des carrières, des interrogations sur le sens de notre mission et les rapports avec le pouvoir», a expliqué à l’AFP Olivier da Silva. «On est très inquiets», abonde un ambassadeur en poste sous couvert de l’anonymat.
«Nous ne sommes pas interchangeables ! J’ai le plus grand respect pour mes collègues des autres administrations mais je ne sais pas faire leur travail et ils ne savent pas faire le mien», a-t-il souligné. «Les diplomates souffrent d’une mauvaise image de rois fainéants qui volent l’argent public, alors qu’en réalité ce sont des fonctionnaires très attachés à l’administration républicaine», a-t-il regretté, tout en jugeant que la réforme voulue par Emmanuel Macron ne renforcerait pas la diversité des parcours au sein du ministère.
Ladite réforme a été annoncée en octobre 2021, dans le cadre d’un arbitrage rendu contre l’avis initial du ministre, Jean-Yves Le Drian, avait relevé Le Monde. Elle avait immédiatement suscité une levée de boucliers, en interne puis au-delà, plusieurs personnalités politiques, dont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, ayant dénoncé les risques de «copinage» et de «népotisme» induits par ce changement. L’ancien diplomate Gérard Araud avait même estimé que suite à cette réforme, la France deviendrait «le seul grand pays occidental sans diplomates professionnels», y voyant une porte ouverte «aux nominations à l’américaine».
Les syndicats du quai d’Orsay ont également lancé une pétition pour s’y opposer. «On remplace l’expert, l’artisan par le courtisan. Dans un pays déréglé, on prive le pays d’une boussole. Est-ce vraiment le moment de priver le pays de diplomates professionnels ?», s’était aussi alarmé Alexis Grand, vice-président de la CFTC du ministère, dans un entretien à L’Express fin avril.
La France dispose du troisième réseau diplomatique au monde, après les Etats-Unis et la Chine. Environ 14 000 agents (titulaires, contractuels, recrutements locaux…) sont employés par le ministère des Affaires Etrangères, selon des chiffres officiels.
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