Coopération Russie – Côte d’Ivoire: « Les choses évoluent très positivement entre le deux pays »

Grand admirateur de la Russie, Henri Doué Taï, le président de la Chambre de commerce et d’industrie ivoiro-russe, n’a de cesse d’appeler les autorités politiques et les hommes d’affaires ivoiriens à s’intéresser à cette grande puissance qu’est la Fédération de Russie. Dans cette interview, il réitère cet appel, tout en se félicitant des lignes qui commencent à bouger du côté ivoirien.

M. Doué Taï, vous êtes le président de la Chambre de commerce et d’industrie ivoiro-russe, vous revenez de la Crimée, où vous avez pris part au 5e forum économique de Yalta. De quoi a-t-il été question ?

Ce forum a permis à la Crimée et à la Fédération de Russie de faire connaître à la communauté internationale, leurs ambitions, notamment au plan économique et commercial. La délégation africaine a été reçue par le Premier ministre de la Crimée et les échanges ont porté sur les relations économiques entre la Russie et l’Afrique. Nous avons fait savoir au Premier ministre de la Crimée, qu’il est temps que la Russie en général et la Crimée en particulier, s’ouvrent davantage à l’Afrique. En effet, depuis la fin de l’Union soviétique, ce grand pays n’est plus très présent en Afrique comme par le passé. En 2015, il y avait 600 participants à ce forum. En 2016, ils étaient 1200 dont des ministres et des parlementaires. En 2018, plus de 2000 participants ont répondu présents à cette rencontre.

En 2019, plus de 3000 participants venus d’Europe, d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et de l’Océanie, y ont pris part. C’est dire l’intérêt de plus en plus croissant accordé à ces forums. Les discussions ont porté sur les échanges commerciaux. La Russie et la Crimée étant sous sanctions de certains pays européens, il est difficile de faire des transactions commerciales avec des cartes de crédit par exemple. Les participants ont donc planché sur d’autres moyens d’échanges avec la Russie. Nous avons eu aussi à discuter de l’évolution des relations entre les différents pays invités et la Russie. Un panel, consacré à l’Afrique, a réuni des participants du Sénégal, du Gabon, du Niger, de la Rdc, de l’Egypte, de la Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire. Chaque représentant a présenté la situation des relations entre son pays et la Fédération de Russie.

La Côte d’Ivoire, par ma voix, a estimé que pour un décollage effectif des relations commerciales entre la Russie et l’Afrique, il faut absolument mettre en place un forum russo-africain. Nous avons également proposé l’organisation régulière d’expositions de produits russes en Afrique et vice versa. J’ai particulièrement œuvré pour l’organisation de ces manifestations à travers un manifeste que j’ai envoyé à toutes les ambassades de la Russie en Afrique. Je suis convaincu que 2019 sera véritablement l’année des relations afro-russes. Plusieurs événements sont au programme à cet effet. Du 1er au 3 juillet 2019, se tiendra le forum parlementaire russo-africain. Du 23 au 24 octobre, toujours en Russie, aura lieu le forum économique Russie-Afrique. L’apothéose sera sans aucun doute la rencontre entre les dirigeants africains et le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine.

Comment vous le souligniez, l’Afrique sera très présente cette année 2019 en Russie. La Côte d’Ivoire sera-t-elle à ces différents rendez-vous ?

Je peux vous rassurer que les choses évoluent très positivement entre nos deux pays. La preuve en est que le vice-président Daniel Kablan Duncan s’est rendu en Russie la semaine dernière, pour prendre part au forum économique de Saint Petersburg. Une rencontre est également prévue en Russie entre les ministres des Affaires étrangères de nos deux pays.

Quelles sont les actions concrètes que la chambre de commerce et d’industrie ivoiro-russe a menées pour donner un coup d’accélérateur au développement des relations ivoiro-russes, notamment au plan commercial ?

Nous avons mené de nombreuses démarches auprès de différents ministères, de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire ainsi qu’auprès du patronat ivoirien. Le patronat qui n’a pu honorer l’année dernière une invitation en Russie, le fera cette année. J’étais récemment à Nizhny Novgorod où j’ai signé une convention avec un organisme privé et j’y retournerai en août prochain pour signer une autre convention pour l’exportation de produits russes en Côte d’Ivoire et des produits ivoiriens en Russie. J’ai également échangé avec une société russe qui s’occupe des exportations entre l’Afrique subsaharienne et la Russie en vue de partenariats entre nos deux pays. Le vrai problème, c’est que les autorités ivoiriennes, en l’occurrence le patronat ivoirien, ne bougent pas beaucoup. Il faut qu’ils brisent certains préjugés pour découvrir ce grand pays doté d’énormes potentialités et qui a beaucoup à offrir à la Côte d’Ivoire.

En dehors du patronat ivoirien, est-ce que les opérateurs économiques ivoiriens peuvent faire individuellement des affaires avec leurs homologues russes ?

Bien sûr, et c’est ce que je m’emploie à faire depuis quelque temps. C’est-à-dire, établir des relations commerciales directement entre les Pme et les Pmi ivoiriennes et celles de la Russie. Je suis en train de négocier présentement des relations d’affaires entre une entreprise de construction immobilière ivoirienne et des opérateurs russes. Moi-même qui suis dans le pétrole, je vais nouer des relations avec des partenaires russes. Gasprom et Lukoil sont des géants russes en matière d’énergie, notamment de gaz et de pétrole. Je voudrais préciser que ce partenariat sera gagnant-gagnant.

Vous avez dit que la Côte d’Ivoire ne fait pas beaucoup d’efforts pour accroitre les relations avec la Russie. Mais de son côté, la Russie en fait-elle suffisamment ?

Pour être sincère, pendant longtemps, il n’y a pas eu assez d’efforts du côté de la Russie, pour booster ces relations. Mais depuis l’arrivée de S.E.M. Vladimir Baykov, l’actuel ambassadeur de Russie en Côte d’Ivoire, de gros efforts ont été accomplis dans ce sens. Je voudrais le féliciter pour tout le travail qu’il abat. Mais des efforts restent encore à faire, notamment au niveau de la communication. Les médias ont un grand rôle à jouer à cet effet. Je suggère à son excellence Monsieur l’ambassadeur, d’organiser en accord avec les autorités de son pays, un voyage de découverte de la Russie au profit des journalistes ivoiriens et de certaines personnes qui pourraient mieux faire connaître ce grand pays aux Ivoiriens. Cela leur permettrait de se faire leur propre opinion de ce pays, au lieu d’être assujettis aux clichés développés par les médias occidentaux qui présentent souvent la Russie à travers un prisme déformant.

Au plan culturel également, la Russie a beaucoup à offrir à la Côte d’Ivoire. Le patrimoine culturel russe est immense. Les ballets russes ont une réputation mondiale. Il en est de même au plan sportif. Le Mondial 2018 de football organisé par la Russie a été une belle réussite unanimement reconnue.

Dans une interview accordée au quotidien L’Inter il y a un an, S.E.M. Baikov faisait savoir aux autorités ivoiriennes que la main de la Russie reste tendue. Pensez-vous que cette main a finalement été saisie ?

Je crois bien, puisque contrairement à l’année dernière, où les autorités ivoiriennes n’ont pas répondu aux différentes invitations de la Russie, cette année 2019, elles ont toutes donné leur accord de principe pour s’y rendre.

Au plan universitaire, la coopération entre les deux pays se développe d’année en année. On note un véritable engouement des Ivoiriens pour les études en Russie. Est-ce là un phénomène nouveau ?

Ce n’est pas nouveau, car depuis le temps de l’Union soviétique, de nombreux Africains dont des Ivoiriens, ont été formés en Russie, grâce à des bourses accordées par ce pays. Et ça continue encore aujourd’hui. Cette année, soixante bourses d’études sont offertes par la Russie aux bacheliers ivoiriens. Sans compter ceux qui y vont étudier à leurs propres frais. L’année dernière, 300 jeunes Ivoiriens sont partis étudier en Russie aux frais de leurs parents. Mais je déplore le fait qu’une fois rentrés en Côte d’Ivoire, ces anciens étudiants dont certains occupent de hautes fonctions politiques et administratives, ne font pas suffisamment ou pas du tout, la promotion de la Russie. Pourtant ils parlent la langue russe, ils ont touché du doigt les réalités de ce grand pays, mais ils ne jouent pas ce rôle ‘’d’ambassadeurs’’ de ce pays qu’on attend d’eux et c’est bien dommage!

Les échanges commerciaux entre les deux pays sont assez faibles. La langue et l’absence de transactions bancaires constituent-elles des obstacles?

Il n’y a pas de banques chinoises en Côte d’Ivoire, et pourtant les Ivoiriens vont régulièrement en Chine ! Les femmes qui y vont faire du commerce ne parlent pas couramment chinois, mais elles font leur commerce sans problème ! Donc pour moi, il n’existe aucun obstacle. Il faut seulement une volonté politique pour développer ces relations. Sans cela, les relations marqueront le pas ! La Côte d’Ivoire doit s’ouvrir à la Fédération de Russie comme elle s’est ouverte à l’Union européenne, à l’Asie, à l’Amérique.

Que diriez-vous aux Ivoiriens pour les inciter à s’intéresser à la Russie ?

Les faits parlent déjà d’eux-mêmes ! Ne voyez-vous pas les centaines de jeunes Ivoiriens qui se bousculent au service consulaire de l’ambassade de Russie pour remplir les formalités d’études en Russie ? Il n’y a pas que la formation qui intéresse les Ivoiriens. Il y a d’autres secteurs comme l’agriculture, les mines, le tourisme, pour ne citer que ceux-là, qui les attirent. Au plan sécurité, je peux rassurer mes frères Ivoiriens : la Russie est un pays très sûr. L’organisation du Mondial 2018 n’a enregistré le moindre incident. Les millions de personnes : joueurs, supporters, journalistes, touristes etc. qui se sont rendues dans les différentes villes russes, sont retournées chez elles saines et sauves.

Source : linfodrome.ci

Komla
Komla

Je me nomme AKPANRI Komla, historien de formation, arbitre fédéral. Le journalisme est une passion pour moi plus précisément le journalisme sportif puisque je suis un sportif. Ayant fait une formation en histoire, j'aborde aussi des questions politiques, sociales et culturelles

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