Que pense le nouveau premier ministre Apollinaire Joachim Kyelem de Tembela des appels incessants de plusieurs Burkinabè qui réclament la Russie dans la lutte contre le terrorisme au détriment de la France ? Réponse dans cet extrait d’interview réalisée par nos confrères de l’Observateur Paalga, le 04 octobre 2022. Quel piège le capitaine du navire burkinabè devrait-il éviter pour conduire sa barque à bon port ?
Il lui faut éviter tout de suite les courtisans qui vont se multiplier immédiatement. Il faut qu’il les transcende en ayant la capacité de les écouter sans les écouter. Sans un esprit de discernement pour distinguer le bon du mauvais dans son entourage ce sera difficile pour lui de réussir. Avec un cap à suivre c’est facile car il ne fonctionnera qu’avec ceux qui marchent dans cette vision. Pour imprimer sa marque, il doit au fur et à mesure écarter ceux qui ne peuvent pas suivre son rythme comme c’était le cas pendant la révolution. Bouger avec ceux qui bougent.
Parmi les nombreux soutiens au nouveau régime figurent les partisans d’une coopération avec la Russie et pour le départ des Français ; êtes-vous de cette catégorie ?
Je ne suis pas de ceux-là, je suis pour la diversification mais pas pour le départ de X ou de Y ; ce qu’il faut c’est la banalisation de notre partenariat avec la France pour qu’elle ne soit pas dominatrice. Aller avec la Russie, c’est un exemple de diversification de nos partenaires ; pour autant, il ne faut pas aller se lier à la Russie et brimer nos intérêts. La Russie est plus exploiteuse que la France ; demandez des nouvelles à la Somalie, à l’Ethiopie et à l’Angola, ils vous le diront. Les Américains soutenant Israël, l’Egypte sous Nasser s’est retourné vers la Russie. Il a fallu que Sadat rompe les relations avec la Russie en renvoyant ses coopérants par milliers pour avoir les mains libres en 73 et s’attaquer à l’Israël. L’emprise de la Russie sur ses partenaires est beaucoup plus importante ; ceux qui réclament ce pays à cor et à cri ignorent cela et veulent qu’on chasse la France. Beaucoup sont de bonne foi car ignorants et victimes de la campagne d’intoxication en cours. Mais certains vivent des financements des lobbies prorusses et ça aussi c’est bien connu.
Moi qui vous parle, j’ai fait Moscou comme bien de compatriotes. Hier comme aujourd’hui, le sort des Noirs y est moins reluisant qu’en France ou dans n’importe quel pays de l’occident. Si la Russie finance des gens pour mener une politique en faveur de ses intérêts c’est tout à fait normal, mais il nous revient de faire attention et défendre aussi les nôtres loin des émotions.
Interview réalisée par Abdoul Karim Sawadogo