0076/HAAC/01-2023/pl/P
Le dictateur syrien Bachar al-Assad a pris la fuite selon une ONG dimanche. Il a fui le pays dans un avion avec sa famille, laissant le pouvoir aux rebelles djihadistes.
Les Assad en fuite, c’est l’ancien Premier ministre du régime syrien, Mohammed Gazi al-Jalali qui a transféré le pouvoir et l’État syrien à la direction du « Bureau des opérations militaires » de la coalition des rebelles djihadistes. Pendant ce temps, la rue syrienne laisse exploser sa joie.
Bachar Al Assad et son frère Maher ont dirigé la Syrie d’une main de fer pendant près de vingt-cinq ans. Bachar, le protégé de l’Iran, a réprimé dans le sang une rébellion qui s’est muée en guerre civile, l’une des plus brutales du XXIe siècle.
Il a hérité du pouvoir à l’âge de 34 ans, en 2000, à la mort de son père, Hafez al-Assad, qu’il succède.
En 2011, il est confronté au Printemps arabe dans son propre pays, une série de manifestations pro démocratie rapidement réprimées dans le sang et qui dégénèrent en guerre civile impliquant notamment diverses forces djihadistes, dont l’organisation État islamique.
Il parvient à se maintenir au pouvoir avec le soutien massif de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah libanais. Mais à quel prix ? Près de 6 millions de Syriens ont dû fuir le pays, des dizaines de milliers de morts, des prisons remplis de détenus subissant les tortures les plus innommables.
Issu d’une lignée alaouite, Bachar Al Assad se présente comme le protecteur des minorités syriennes et le seul rempart contre l’extrémisme et le chaos. Mais cette stratégie doublée de terreur a eu ses limites.
Un journaliste qui a rencontré Bachar al-Assad à de multiples reprises avant et après le début de la rébellion en Syrie en 2011 décrit une « personnalité unique et complexe ».
« À chaque fois que je le rencontrais, il restait calme, même dans les moments les plus critiques et difficiles de la guerre », affirme ce journaliste sous couvert d’anonymat.
« Ce sont exactement les caractéristiques de son père, Hafez al-Assad, qui a dirigé la Syrie d’une main de fer durant 30 ans », ajoute-t-il. Bachar al-Assad « a réussi à se rendre indispensable. En politique, il est important de savoir rebattre les cartes, et il a su maîtriser le jeu ».
À la tête du parti Baas, Hafez al-Assad avait imposé en Syrie un régime opaque et paranoïaque où la moindre suspicion de dissidence pouvait valoir à quiconque d’être emprisonné.
Né le 11 septembre 1965, son fils Bachar n’est pas destiné à devenir président, mais sa vie change radicalement en 1994 lorsque son frère aîné Bassel, qui devait succéder à son père, meurt dans un accident de la route.
Il doit alors abandonner ses études à Londres, où il a rencontré son épouse Asma, une Syro-Britannique de confession sunnite, avec qui il aura trois enfants.
Surnommée « la Rose du désert » par le magazine Vogue avant le soulèvement, son épouse sera comparée à Marie-Antoinette après la révolte.
Au décès de son père en 2000, Bachar devient président par référendum, sans opposition.
Quand il prête serment à l’âge de 34 ans, il incarne pour de nombreux Syriens en quête de libertés supplémentaires l’image d’un réformateur capable de mettre fin à des années de répression et d’instaurer une économie plus libérale dans ce pays au contrôle étatique étouffant.
Au début de sa présidence, Assad apparaît en public au volant de sa voiture ou dînant au restaurant en compagnie de son épouse. Il assouplit certaines des restrictions imposées par son père.
Mais l’image du réformateur disparaît très vite, avec l’arrestation et l’emprisonnement d’intellectuels, d’enseignants ou d’autres partisans du mouvement de réforme, au terme d’un bref « Printemps de Damas ».
Terreur
Quand le Printemps arabe gagne la Syrie en mars 2011, des manifestations pacifiques appellent au changement.
Bachar Al Assad, qui est également le commandant en chef des armées, mène alors une répression féroce qui débouche rapidement sur une guerre civile.
Pendant le conflit, qui a fait plus de 500 000 morts et provoqué le déplacement de la moitié de la population, Assad est toujours resté ferme sur ses positions.
Grâce au soutien de ses parrains iranien et russe, il parvient à reconquérir les deux tiers du territoire.
Sur le plan interne, grâce à sa « persévérance et sa rigueur », il est parvenu à « monopoliser les pouvoirs décisionnels et à garantir le soutien total de l’armée », explique un chercheur à Damas.
Même au pic de la guerre civile, il est resté imperturbable, convaincu de sa capacité à écraser une rébellion qu’il a qualifiée de « terroriste » et d’« instrument d’un complot ourdi par des pays ennemis pour le renverser ».
Abandonné par ses alliés russe et iranien, eux-mêmes très affaiblis, il a toutefois dû fuir le pays dimanche, onze jours après le lancement, le 27 novembre, d’une offensive éclair par les rebelles, à laquelle ses forces n’ont quasiment opposé aucune résistance, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Parmi les symboles les plus forts de la chute de Damas figure la libération de la sinistre prison de Sednaya, où des milliers d’opposants au régime de la dynastie al-Assad ont été emprisonnés, torturés et assassinés.
La question bien entendu est celle de savoir ce que fera cette coalition, dans laquelle on retrouve des djihadistes notoires, de la Syrie ? Joie et inquiétude doivent traverser le peuple syrien dont un tiers a dû fuir le pays depuis 2011.
Source Le Matin d’Algérie / AFP