0076/HAAC/01-2023/pl/P
Un débat national d’une rare intensité secoue le Kenya après la signature, le 4 décembre 2025, de l’Accord-cadre de coopération sanitaire entre Nairobi et Washington. Présenté par le gouvernement comme un partenariat stratégique destiné à moderniser le système de santé, le texte est désormais au cœur de plusieurs recours judiciaires dénonçant son opacité, ses risques juridiques et son impact potentiel sur les finances publiques.
COFEK dénonce un accord en violation de plusieurs lois nationales
Dans une requête déposée devant la Haute Cour, la Consumers Federation of Kenya (COFEK) accuse l’exécutif d’avoir signé un accord en contradiction avec plusieurs textes législatifs clés :
- la loi sur la protection des données,
- la loi sur la santé numérique,
- la loi HEAL,
- ainsi que le règlement de 2025 encadrant l’échange de données de santé.
Selon Stephen Mutoro, directeur de COFEK, le gouvernement aurait commencé à appliquer certaines dispositions sans consultation publique préalable, en violation de l’article 10 de la Constitution qui impose transparence et participation citoyenne. Il estime également que l’accord porte atteinte au droit constitutionnel à la vie privée, garanti par l’article 31, en ouvrant la voie à un partage de données sensibles avec un partenaire étranger.
Un second recours visant à suspendre immédiatement l’accord
Le sénateur de Busia, Okiya Omtatah, a engagé une procédure distincte demandant la suspension totale de la mise en œuvre du partenariat. Il réclame l’interdiction de toute dépense publique, signature de contrat ou action administrative liée à l’accord tant que la Cour n’aura pas statué sur sa légalité.
Omtatah met en cause le mécanisme de financement présenté comme « plus direct » par le gouvernement. Selon lui, ce dispositif manque de garanties contre la mauvaise gestion et impose au Kenya une obligation de contrepartie financière estimée à 850 millions de dollars, sans qu’aucune étude budgétaire indépendante n’ait été réalisée. Une situation qu’il juge dangereuse pour la stabilité financière du pays.
Des inquiétudes sur la souveraineté sanitaire et les motivations géopolitiques
Au-delà des aspects juridiques et budgétaires, les critiques portent également sur les implications stratégiques de l’accord. Pour Omtatah, le texte risque de compromettre :
- le droit à la santé,
- le principe de non-discrimination,
- et l’accès équitable aux soins.
Il estime que l’aide américaine pourrait être alignée sur des priorités géopolitiques plutôt que sur les besoins réels du système de santé kényan. Cette crainte s’inscrit dans un contexte où plusieurs pays africains réévaluent leurs partenariats internationaux, notamment dans les secteurs sensibles comme la santé, la cybersécurité ou les infrastructures numériques.
Un dossier qui pourrait redéfinir la gouvernance sanitaire au Kenya
Alors que la Haute Cour examine les deux recours, l’affaire prend une dimension politique majeure. Elle interroge la capacité du gouvernement à garantir la transparence dans la gestion des partenariats internationaux, mais aussi la protection des données médicales dans un pays engagé dans une transformation numérique rapide.
L’issue de ces procédures pourrait avoir un impact durable sur la gouvernance sanitaire du Kenya, sur ses relations avec les États-Unis et sur la manière dont les futurs accords internationaux seront négociés et contrôlés.





