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Le 22 juillet 1994 marque un tournant brutal dans l’histoire gambienne. À seulement 29 ans, Yahya Jammeh, lieutenant originaire du village de Kanilai, renverse le président Dawda Jawara, au pouvoir depuis près d’un quart de siècle. Accueilli comme un libérateur, il promet emplois, infrastructures et justice. Mais cet espoir ne tarde pas à se transformer en cauchemar.
Dès 1996, Jammeh s’installe au pouvoir par une élection contestée et inaugure un règne de 22 ans marqué par la peur et la répression. Son escadron de la mort, les « Junglers », devient l’instrument de son autorité : exécutions sommaires, disparitions forcées et tortures dans des camps secrets. En 2005, plus de cinquante migrants ouest-africains sont massacrés sur une plage, symbole de la brutalité de son régime. Les campagnes de « chasse aux sorcières » terrorisent les villages, tandis que Jammeh lui-même est accusé de violences sexuelles contre des opposantes.
Son cynisme atteint un sommet avec le prétendu « remède miracle » contre le VIH, imposé aux malades sous forme de décoctions mortelles. La presse n’est pas épargnée : le journaliste Deyda Hydara est assassiné en 2004 pour avoir osé critiquer le pouvoir.
En 2015, Jammeh proclame la Gambie « république islamique », interdit l’homosexualité et ferme des lieux de culte chrétiens. Mais en décembre 2016, contre toute attente, il est battu par Adama Barrow. Refusant d’accepter sa défaite, il déclare l’état d’urgence et tente de s’accrocher au pouvoir. La CEDEAO intervient, et sous la pression militaire et diplomatique, Jammeh s’exile en Guinée équatoriale le 21 janvier 2017, emportant des millions détournés.
Aujourd’hui, les révélations de la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC) exposent l’ampleur des crimes commis sous son règne. Un tribunal spécial de la CEDEAO se prépare pour juger ces crimes contre l’humanité. La Gambie, en quête de guérison, tente de tourner la page, mais l’ombre de Yahya Jammeh continue de hanter son histoire récente.





