La perspective d’un déploiement de mercenaires russes a aussi été avivée par l’indéniable rapprochement entre Bamako et Moscou. Si les liens entre les deux pays sont aussi vieux que l’indépendance en 1960, la signature d’un accord de défense en 2019 leur a donné du corps. L’irruption de la junte, avec des officiers formés en Russie puis la nomination au poste de premier ministre de Choguel Maïga, qui a étudié et vécu dix ans dans ce qui était alors l’URSS, y a ajouté un esprit. Ce même premier ministre a toutefois nié les négociations avec Wagner.
« Je ne connais pas de Wagner. Le jour où le gouvernement malien signera un accord, on le rendra public », a-t-il assuré dans un entretien avec RFI en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.
Pourtant dans ce même cénacle, Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russes, l’a confirmé, affirmant que « le Mali s’est tourné vers une société militaire russe », avant évidemment de glisser qu’il « n’avait rien à voir avec ça ». Une déclaration étrange alors que Moscou avait jusqu’à présent toujours refusé le moindre commentaire sur les SMP, par ailleurs officiellement interdites en Russie.
Dans la presse malienne, des « experts » et des « fuites » donnent également à croire à une arrivée prochaine de Wagner.
Un certain Alexandre Ivanov, bien connu en Centrafrique et assurant représenter des officiers opérant à Bangui est ainsi intervenu dans MaliActu : « Je pense qu’un tel travail sera effectué au Mali. »
La livraison le 30 septembre par la Russie, en avance sur planning, de quatre hélicoptères Mi-171avec des munitions a attiré les réseaux sociaux.
Si elle n’a rien à voir avec Wagner mais s’est faite dans le cadre de l’accord signé en 2019, le trouble existe. « Que la Russie livre des armes à l’armée malienne qui a toujours été équipée de ce type de matériel n’a rien d’étonnant. Mais la maintenance comme les formations seront assurées probablement par des sociétés privées et là on ne peut pas exclure que cela soit une porte d’entrée pour Wagner », détaille un observateur. Une nouvelle livraison d’armes est attendue autour du 19 octobre. La question d’une implication de Wagner continue donc de planer, sans être réellement confirmée. Pour un ministre, qui tient à rester anonyme, tout ça n’est pourtant qu’un jeu de dupe.
« Wagner va arriver. Il n’y a aucun doute et c’est le droit d’un État souverain. La France ne peut s’y opposer et si elle choisit de partir, elle partira. Le gouvernement gagne du temps pour rassurer ses partenaires mais la décision est prise », dit-il.
Pour Baba Dakono, secrétaire de l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité (OCGS), si la tentation Wagner a existé, elle n’est plus réelle. « Le gouvernement ne prendra pas le risque de se couper de ses partenaires traditionnels. Ce ne serait pas simple inflexion mais un véritable renversement d’alliance ».
Au-delà de Paris, qui a claire-ment manifesté son hostilité aux mercenaires qualifiés « d’incompatibles » avec les hommes de Barkhane, l’Union européenne et l’Allemagne ont, certes sur un ton plus apaisé, aussi protesté. Les pays voisins de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), sont montés au créneau dans un communiqué du 16 septembre où ils « dénoncent fermement la volonté du gouvernement de transition d’engager des compagnies de sécurité privées ». « Ces critiques directes et inattendues ont clairement surpris le premier ministre », reconnaît un conseiller à la primature. Un officier malien ajoute : « Nous ne sommes pas naïfs. Les résultats de Wagner sont appréciables en Centrafrique mais moins nets ailleurs en Afrique. » Rancœurs anti-françaises Au-delà de Bangui, où la rébellion a toujours été relativement faible, les mercenaires russes ont marqué le pas face à des adversaires plus déterminés ou mieux armés. En Libye, en 2019, ils n’ont pas pu faire la différence dans la banlieue de Tripoli, où ils étaient en appui des troupes du maréchal Haftar. Lancée à l’automne 2019, l’opération au Mozambique contre les groupes islamistes qui occupaient alors Cabo Delga-do, à l’extrême nord du pays, s’est soldée par un échec.
Wagner a été remplacé par des sociétés sud-africaines puis par l’armée rwandaise. L’effet Wagner se fait néanmoins ressentir au Mali et a déjà mis sur la place publique.
Figaro