La conversation s’enflamme comme de la paille trop sèche. Dans ce « grin », ces cafés plus au moins formels qui fleurissent à Bamako, les mots claquent dans la semiobscurité. « Bien sûr que la France doit partir avec son Barkhane. Nous ne sommes plus une colonie », lance Mokhtar, un étudiant à la trentaine avancée.
En face, Abdoulayeabonde avec force, en appelant à « une libération du Mali » et à la fin « de l’exploitation des richesses par la France ». La perspective d’une arrivée de militaires russes, comme autant d’hommes providentiels,semble faire une unanimité soulagée.Que les soldats soient en fait des paramilitaires de « Wagner » n’y change rien. Pas plus que la réputation sulfureuse traînéepar cette « société » et ses « chiens de guerre », accusés de graves violations des droits de l’homme. Depuis que l’agenceReuters a révélé les négociations entre la junte, qui a pris le pouvoir au Mali en août 2020 et cette société, considérée comme extension occulte du Kremlin, Bamako ne parle plus que de ça. Selon l’agence, un accord aurait été négocié pour l’envoi d’unmillier de mercenaires au Mali, chargés de la formation des FAMa (Forces armées maliennes), de la protection des autoritésmais aussi de l’accompagnement sur le terrain.
En échange la Société militaire privée (SMP), fondée en 2014 et financée par Evgueni Prigozhin, un proche des autorités russes, recevrait 9,15 millions d’euros par mois et l’accès à trois mines, dont deux d’or, la principale ressource du sous-sol malien.
Ce montage n’a pas étonné, car il apparaît proche de celui utilisé en Centrafrique, où Wagner est présent depuis 2018. Des proches de la SPM se sont vu attribuer des sites aurifères via la société Lobaye Invest Ltd. Mais à ce jour, la signature d’un contrat au Mali n’a pas été confirmée.Selon plusieurs sources, le flou autour de cette signature provient d’une mésentente.
L’accord entre Wagner et le Mali n’en serait pas vraiment un, mais plutôt un protocole d’entente (MOU) préambule à un contrat. Le texte aurait été signé début septembre dans la foulée d’une visite à Moscou de Sadio Camara, le ministre de la Défense.
Il serait valable un mois, mais on ignore « s’il a été prolongé » confie une source sécuritaire.
« La partie malienne a du mal à offrir les garanties financières demandées. Elle propose des contrats d’exploations minières, qui demandent du temps et des investissements, quand Wagner veut des sites d’exploitation », continue-t-elle.
Or, au Mali ces sites sont déjà très largement concédés. Les récentes agitations autour d’un gisement retiré à une société canadienne ont fait naître des doutes et des craintes dans les sociétés minières. « Mais rien ne démontre que ces problèmes soient liés à une arrivée Wagner », explique un diplomate proche de ce dossier.
Figaro