La situation sécuritaire du Nigeria est complexe. Outre la présence de groupes jihadistes – dont Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest [ISWAP] – dans le nord-est du pays, Abuja doit faire face à l’activité de bandes criminelles, aux tensions inter-religieuses [entre chrétiens et musulmans ainsi que, parmi ces derniers, entre sunnites et chiites, ceux-ci représentant 2% de la population, à l’opposition entre éleveurs et agriculteurs sédentaires [qui a une dimension inter-ethnique, ndlr], à une rebellion dans le sud, qui revendique un meilleur partage des recettes pétrolières, et à la piraterie [ou brigandage] maritime au large de ses côtes.
Ces dernières années, et malgré le fait qu’elles sont relativement bien équipées, les forces armées nigérianes ont régulièrement été mises en difficulté, en particulier face à Boko Haram et à l’ISWAP, ces deux organisations jihadistes leur ayant infligé de lourdes pertes. Et cela au point où, en 2015, Abuja dut faire appel à des société militaires privées [SMP], notamment sud-africaines, pour tenter de reprendre la situation en main.
Quoi qu’il en soit, et compte tenu des défis sécuritaires qu’il a à relever, le Nigeria a multiplié les achats d’équipements militaires. En particulier auprès des États-Unis et de la Chine, laquelle lui a récemment livré des chars VT-4 et ST-1 ainsi que des obusiers automoteurs de type SH5. En outre, la force aérienne nigériane a reçu ses premiers avions de combat JF-17 « Thunder », fruit d’une coopération sino-pakistanaises.
Dernièrement, et après le feu vert donné par l’administration Trump à la vente de 12 avions d’attaque légers A-29 Super Tucano, le Nigeria a fait part de son intention de se procurer 12 hélicoptères de combat Bell AH-1 Cobra, des pièces de rechange et des munitions pour environ un milliard de dollars. Seulement, fin juillet, les comités des Affaires étrangères de la Chambre des représentants et du Sénat américains ont suspendu le processus de cette vente « en raison d’inquiétudes concernant d’éventuelles violations des droits humains » par les forces nigérianes, a révélé l’agence Reuters.
Ainsi, les ONG de défense des droits de l’Homme accusent régulièrement ces dernières de faire un « usage excessif » de la force, en particulier contre le « Mouvement islamique du Nigeria » [MIN], une organisation chiite.
Cela étant, s’il éprouve des difficultés à acquérir des équipements militaires dont il a besoin auprès des États-Unis, le Nigeria pourra toujours se tourner vers la Russie, qui doit déjà lui livrer 20 hélicoptères, dont 5 Mil Mi-17 et 15 Mil Mi-24. D’autant plus que les relations militaires entre les deux pays vont s’intensifier à l’avenir, avec l’accord de coopération qu’ils sont signé dans ce domaine le 23 août dernier.
Décrit comme marquant une étape « historique » dans la relation bilatérale entre la Russie et le Nigeria, cet accord « fournit un cadre juridique pour […] la prestation de services après-vente, la formation du personnel […] et le transfert de technologie, entre autres », a précisé la diplomatie nigériane.
Après la Centrafrique, le Mozambique, la Libye ou encore le Mali et le Congo, la Russie s’offre ainsi la possibilité d’accroître davantage son influence sur le continent africain, qui représente entre 30% et 40% de ses exportations d’armements, selon des chiffres avancés par Dmitri Chougaïev, le directeur du Service fédéral russe pour la coopération militaire et technique [FSVTS], à l’occasion du forum Armée 2021.
Cet intérêt de la Russie pour l’Afrique s’est accentué surtout à partir de 2014, après l’annexion de la Crimée. L’objectif était alors de rompre son isolement [relatif] tout en s’impliquant dans des zones où des pays européens [en particulier ceux ayant eu un passé colonial, nldr] avaient su garder une certaine influence.
Et cela passe notamment par une offre sécuritaire, qui repose parfois sur l’envoi de « conseillers », qui sont en réalité des employés de sociétés militaires privées [SMP] comme Wagner, qui est la plus connue. Et cela permet, en retour, d »avoir un accès aux ressources naturelles des pays concernés, comme cela s’est vu en Centrafrique.
AGORA 24