Algérie-France : Des biens de dirigeants algériens en France visés par les limiers du ministère de l’Intérieur

Sur plus de 800 pontes du régime algérien ayant des intérêts financiers ou des propriétés, une liste d’une « vingtaine de dignitaires » est dans le collimateur des autorités françaises, révèle L’Express.

Voilà une décision qui pourrait faire monter de plusieurs crans la crise entre l’Algérie et la France. Le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, évoquait auprès de L’Express la possibilité de geler des avoirs d’officiels algériens. « Il peut y avoir des mesures individuelles visant des dignitaires algériens, notamment, qui veulent mettre à mal nos relations bilatérales. Des mesures qui peuvent par exemple être patrimoniales », disait le ministre de l’Intérieur français en réponse aux refus d’Alger de reprendre plusieurs de ses ressortissants frappés d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Selon des informations rendues publiques par l’hebdomadaire français sur son site, cette piste est aujourd’hui sérieusement explorée, tant à Bercy (ministère de l’Economie) qu’à Beauvau (ministère de l’Intérieur).

Une liste d’une « vingtaine de dignitaires » a été dressée. Ils occupent tous de hauts postes administratifs, sécuritaires et politiques en Algérie, tout en possédant des propriétés ou des intérêts financiers en France. Qui peuvent-ils bien être doit s’interroger la rue algérienne ?

« On estime que 801 membres de la nomenklatura algérienne ont des intérêts financiers en France et viennent en France régulièrement. Et ce sans compter les militaires », détaille cette source à L’Express.

Après les passeports diplomatiques, l’idée au sein du gouvernement français est d’utiliser cette liste de vingt dignitaires comme une arme de pression de dernier recours dans les négociations entre les deux pays. En effet, le premier coup de tonnerre a eu lieu le 16 mai dernier quand le Quai d’Orsay a menacé de suspendre un accord de 2007 permettant aux titulaires de passeport diplomatique de circuler librement entre les deux pays, sans visa.

L’escalade a débuté avec l’interpellation, le 11 avril, d’un agent consulaire algérien en France, soupçonné d’avoir participé à l’enlèvement du youtubeur Amir Boukhors sur le sol français, le 29 avril 2024. Alger y a répondu en expulsant, le 14 avril, douze agents diplomatiques français. Même sentence, le lendemain, à Paris. Enfin, le 11 mai, les autorités algériennes ont renvoyé d’autres fonctionnaires français.

La crise a commencé le 29 juillet 2024 quand la présidence française a annoncé a décision de reconnaître la marocanité du Sahara occidental. Il y a eu ensuite une série d’arrestation de nervis du régime en France qui menaçaient les opposants à Tebboune de représailles.

Puis survient l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal, le 16 novembre 2024 pour des déclarations qu’il a tenu sur un site de l’extrême droite française, qui remettaient en cause l’historicité des frontières ouest algériennes. Boualem Sansal, 80 ans, est depuis condamné à 5 ans de prison. L’Algérie a également opposé une fin de non-recevoir à toutes les demandes d’expulsion de ses ressortissants en France sous OQTF. Ce qui n’a pas été sans irrité les autorités de ce pays.

Aussi, Paris prévoit de publier sa liste de « vingt dignitaires » si Alger décide de nouvelles mesures hostiles. « Cela se ferait sur le modèle des oligarques russes », précise l’hebdomadaire français.

Mais il est difficile que cela puisse se produire. La raison ? Depuis 2006, le droit français prévoit que le ministre de l’Economie et le ministre de l’Intérieur peuvent par un décret conjoint geler les avoirs de personnes liées à une entreprise terroriste, « mais il est très douteux qu’on puisse parler de terrorisme dans le cas de l’Algérie », estime maître Renaud de l’Aigle, avocat spécialisé dans les affaires de gel des avoirs, rapporte encore L’Express dans son article.

Renaud de l’Aigle fait référence à un nouvelle disposition du Code monétaire et financier français, l’article L562-1, entré en vigueur le 25 juillet 2024. Cette mesure, votée dans le cadre de la loi contre les ingérences étrangères, prévoit que les ministres de l’Économie et de l’Intérieur peuvent également geler les avoirs des personnes qui commettent des « actes d’ingérence ». Un terme que la loi définit désormais comme un « agissement commis directement ou indirectement à la demande ou pour le compte d’une puissance étrangère et ayant pour objet ou pour effet (…) de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ». Le gouvernement français pourrait éventuellement, selon l’avocat, utiliser cette réforme pour geler le patrimoine d’officiels algériens en France. Ces dignitaires ne pourraient plus se rendre dans leurs propriétés ou leurs autres biens, ni utiliser leurs comptes bancaires, pour six mois renouvelables.

Encore faut-il, comme pour toute mesure administrative, justifier une telle mesure. Le gouvernement devrait alors démontrer que les personnes sanctionnées ont personnellement et intentionnellement porté atteinte aux intérêts français. Il pourrait s’agir de dignitaires placés dans la chaîne de commandement du renseignement algérien, mis en cause dans l’affaire Amir Boukhors, ou bien dans la chaîne de décision liée aux refus de laissez-passer consulaires.

En théorie. Car comme toute mesure de dissuasion, le but du gouvernement français est surtout… de ne jamais publier cette liste de vingt dignitaires, tant cette décision conduirait inévitablement à une rupture diplomatique irrémédiable. Tant le régime algérien est très chatouilleux dès qu’on évoque la France. Pour autant, tout dépend des noms des dignitaires, si ce sont ceux qui sont au centre de la décision, il faut s’attendre à un prochain fléchissement, mais si cela concerne des seconds couteaux, il est fort probable qu’ils soient sacrifiés.

Source : Le Matin d’Algérie

Komla AKPANRI
Komla AKPANRI

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