La liste exclut les principaux oligarques protagonistes de l’ère des frères Bouteflika et handicape lourdement la reprise du business dans le pays.
Une trentaine de chefs d’entreprises privées de taille importante dans divers secteurs d’activité ne peuvent pas quitter le territoire algérien, la plupart depuis près de deux ans. Le plus connu d’entre-eux est Issad Rebrab, fondateur et président de Cevital, qui n’a pas recouvré sa liberté de voyager depuis sa libération de prison le 1er janvier 2020. Ils sont cependant très nombreux à être restés dans ce cas, après une procédure d’enquête auprès du pôle économique de la gendarmerie nationale ou après un passage par la case contrôle judiciaire, voire la détention provisoire. Les chefs d’entreprise concernés convergent pour préserver la discrétion sur leur situation, car ils considèrent, pour la plupart, que leur cas « va bientôt se régler » et qu’il n’est « pas opportun d’alarmer » leurs partenaires d’affaires à l’étranger. « Cela n’est jamais très bon pour le business », expliquent-ils, un peu avec les mêmes éléments de langage.
Les mesures d’interdiction de sortie du territoire national continuent de toucher les dirigeants et administrateurs de grands groupes ou parfois, les directeurs de filiales dans l’électronique grand public, l’industrie pharmaceutique, l’agro-alimentaire, le BTPH, les industries de transformation, la distribution, le tourisme ou les services financiers.
Cette liste non exhaustive, reconstituée par des rapprochements successifs par Maghreb Emergent, ne comporte pas les principaux hommes d’affaires condamnés dans la période 2019 et 2020, et toujours en détention (Ali Haddad, les frères Kounineff, Mahieddine Tahkout, Omar Eulmi, etc.) pour leur proximité avec le pouvoir des frères Bouteflika ou la protection dont ils bénéficiaient de la part du chef d’état-major de l’époque, Gaïd Salah ( Baha Eddine Tliba, etc).
La réouverture du ciel dévoile le « phénomène »
C’est la fin de la fermeture, pour cause de pandémie, du ciel algérien qui a révélé, par petites touches, l’étendue spectaculaire du phénomène des interdictions de sortie du territoire national (ISTN) qui frappe les milieux d’affaires algériens.
A juin 2021, et au-delà jusqu’à novembre 2021, de très nombreux chefs d’entreprise pouvaient ne pas voyager et expliquer à leur environnement en Algérie et à l’étranger que cela était lié à la complexité du dispositif sanitaire et à la rareté des vols. Les rendez-vous en visio-conférence ont été adopté et maintenus partout dans le monde pour une grande partie des délibérations qui se déroulaient en présentiel avant le chamboulement concédé à la protection contre la Covid-19. Ce qui a permis également de justifier le non recours aux voyages d’affaires habituels. Mais les langues ont commencé à se délier depuis quelques semaines. Le secteur de l’évènementiel a redémarré en Europe et sur les marchés cibles des entreprises algériennes, et de nombreux chefs d’entreprise n’ont pas pu honorer des invitations à des foires et salon d’exposition ou leurs marques figurent habituellement.
Cela a été le cas tout récemment pour le mondial de la téléphonie mobile à Barcelone, ou encore à la foire de Dakar. « C’est un peu comme si nous nous appliquions à nous-mêmes les sanctions que les Occidentaux appliquent aux Russes », rapportait avec beaucoup de dépit un des avocats de ces chefs d’entreprise empêchés de circuler dans le monde. De hauts fonctionnaires sont allés en prison à cause de la sortie du territoire national de quelques personnalités dont le statut n’était pas net au moment de la grande purge de 2019. « La remise d’un passeport et la levée d’une ISTN est devenue un risque chez les procureurs et les gestionnaires du fichier national de la police. Personne ne veut en parler. Tout le monde pense régler son problème discrètement seul dans son coin », explique l’avocat.
Source Maghreb Émergent