Pas encore digéré une discussion difficile avec un prof de fac algérien installé en France depuis un demi-siècle. Non seulement il soutenait mordicus Éric Zemmour, ce qui est un choix politique individuel concevable, mais il lui donnait raison. Il voulait nous convaincre que le polémiste raciste qui suroccupait les médias exprimait une tendance lourde de la société française. Il ajoutait que même les étrangers -dont les «nôtres» – doivent lui être reconnaissants de hâter leur assimilation.
Enfin, infatué du succès médiatique de son héros, il nous avait donné rendez-vous aux élections pour constater le raz-de-marée de Zemmour. À notre volonté de démonter l’argumentaire de Zemmour consistant à tenter d’habiller de vernis politique des rodomontades racistes, notre compatriote répondait par cette sentence: «C’est de l’islamo-gauchisme que de s’opposer à Zemmour.» Eh bien, visiblement 96% des votants français aux législatives sont donc des islamo-gauchistes. Ils n’ont porté aucun candidat de Reconquête, le bricolage de Zemmour, au deuxième tour des élections législatives. Zemmour lui-même a été supplanté dans la région bien choisie pourtant pour avoir voté en sa faveur à la présidentielle.
Cet échec cuisant n’amoindrit pas la morgue du polémiste qui joue la victime. Il proclame que c’est le patriotisme qui est puni par ce vote. Quand il reste une entité abstraite sur laquelle on s’appuie pour justifier n’importe quoi, l’électeur est cajolé. Mais dès qu’il s’exprime par son vote, il devient suspect. Nous avons appelé notre interlocuteur zemmouriste. Il considère que les électeurs français ne méritent pas Zemmour. Rien que ça !
Les idées clivantes, la politique du bouc émissaire favorisées par les télés des riches ne prennent pas en dépit des apparences. La peur du chômage est plus grande que la peur de l’étranger.
Le soir d’Algérie