France/Du FN au RN : l’entreprise familiale qui incarne l’extrême droite française

« Il faut que tout change pour que rien ne change. » C’est ainsi qu’on pourrait résumer l’histoire d’un parti qui, depuis 1972, incarne l’extrême droite française et qui, de ses racines collaborationnistes et coloniales aux affirmations identitaires actuelles, demeure la propriété d’une famille qui se rêve aujourd’hui au pouvoir.

Le Front national (FN) est né en 1972, dans le sillage d’une organisation d’extrême droite, Ordre nouveau, dont la matrice néofasciste – d’influence mussolinienne – réunissait nostalgiques du nazisme et du pétainisme et anciens partisans de l’Algérie française, dont beaucoup liés à sa branche terroriste, l’OAS, responsable entre autres de l’attentat du Petit-Clamart en 1962.

Le MSI (Mouvement social italien, en référence à la République sociale italienne, nom du régime fasciste italien entre 1943 et 1945, inféodé aux Allemands) finance son voisin français, qui en reprend le logo (la flamme tricolore), le slogan (« Avant qu’il ne soit trop tard ») et les méthodes.

En coulisses, MSI signifie aussi « Mussolini sempre immortale » (« Mussolini toujours immortel »). Ce parrainage fait écho aux années 1930, quand une organisation terroriste française, La Cagoule, assassinait des militants antifascistes italiens en France pour le compte du Duce.

La motivation essentielle du FN est de rassembler « tous les nationaux sans exception », comme Pierre Bousquet, ancien SS et trésorier du parti dont il dépose les statuts avec Le Pen, Léon Gaultier, ancien SS et cofondateur de la milice française en 1943, Roger Holeindre, ancien de l’OAS et secrétaire général adjoint du parti, François Brigneau, ancien milicien, admirateur de Marcel Déat et de Robert Brasillach, artisan du programme du FN dont il est vice-président. Le premier dépliant reprend le projet de Constitution soumis au maréchal Pétain par Xavier Vallat, alors commissaire aux Questions juives.

L’obsession de la question raciale

François Brigneau propose le nom de Le Pen, ami de Léon Gaultier, ancien député poujadiste1 et ancien officier pendant la bataille d’Alger. Le Pen fait du « problème racial, plus grave que celui des États-Unis », la clé de ses campagnes, décrivant bientôt les travailleurs immigrés algériens comme un ennemi intérieur, rompu aux techniques de guérilla, prêt à la guerre civile.

Le Pen parle de « l’Union sacrée » du FN, vu comme le seul parti de droite après la trahison gaulliste des accords d’Évian en 1962. Son jeune rival Alain Robert, premier président du GUD, organisation étudiante d’extrême droite, et cadre dirigeant d’Ordre nouveau, reprochera à Le Pen « d’avoir fait du FN une machine électorale à usage personnel », parlant même d’« un Führerprinzip au petit pied ».

En 1976, Le Pen est l’héritier d’Hubert Lambert, millionnaire d’extrême droite. Son entourage politique y voit une manne pour le parti, mais Le Pen achète l’hôtel particulier de Montretout à Saint-Cloud. Il se consacre aussi à son ascension politique personnelle. Aux élections législatives de 1981, Le Pen finance seul sa campagne et frôle les 5%. En 1983, il est conseiller municipal à Paris. Entre-temps, il se plaint de la faible couverture médiatique de sa formation à François Mitterrand qui répond à ses doléances.

Quand la droite défendait le « Front républicain »

Fort de 11% aux élections européennes de 1984, le FN cofonde le Groupe des droites européennes. Le MSI, qui cherche à se recentrer, y met fin en 1986. Le scrutin de liste proportionnel à un tour, œuvre des socialistes, permet la création d’un groupe FN à l’Assemblée nationale en 1986. Jacques Chirac, alors Premier ministre, met en place contre le FN la stratégie du « cordon sanitaire ».

Se tournant vers l’international, Le Pen rencontre Ronald Reagan aux États-Unis et tient un discours pro-israélien au « Congrès juif mondial ». Mais en 1987, il déclare que les chambres à gaz ne sont qu’« un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Il réitère cette formule à trois reprises jusqu’en 2009, puis est exclu du RN en 2015. Dès 1973, le FN a fait, par ailleurs, campagne contre le projet de loi sur l’avortement de Simone Veil, rescapée d’Auschwitz, en parlant de « génocide des enfants français ».

En 1995, le FN conquiert ses premières mairies (Toulon, Orange et Marignane) et Le Pen y voit de futurs rivaux. Son principal concurrent reste Bruno Mégret, numéro 2 du parti depuis 1988, dont la popularité croissante se solde par une exclusion et une scission du parti.

Le Pen parvient pourtant au second tour de la présidentielle de 2002, largement remportée par Jacques Chirac, qui refuse de débattre avec lui. Le « Front républicain » témoigne de l’isolement politique du FN. S’ensuit un net recul électoral, que Louis Aliot, secrétaire général en 2005, ne parvient pas à endiguer.

La « dédiabolisation » : un marchepied pour le pouvoir plus qu’une réalité

Celui-ci devient le compagnon de Marine Le Pen, fille cadette de Jean-Marie Le Pen, en 2009 et vice-président du parti en 2010. Marine Le Pen succède à son père en 2011 et poursuit l’entreprise de « dédiabolisation », un concept du FN depuis les années 1980.

Pour autant, de « la France aux Français » de l’entre-deux-guerres aux « Français d’abord » du FN, jusqu’à la « priorité nationale » portée par le Rassemblement national (RN) – nouveau nom du parti en 2018 –, l’évolution sémantique trahit la même obsession.

Le refus de se définir comme d’extrême droite – malgré la confirmation du Conseil d’État en mars 2024 – pour s’affirmer soit comme « la vraie droite », soit « ni de droite ni de gauche », accompagne le parti dès son origine et puise dans l’histoire du fascisme, tant en France qu’en Italie.

Les évolutions idéologiques répondent au refus de la mondialisation par un État fort, peu compatible avec l’ultralibéralisme du programme économique – en tissant des liens avec des États autoritaires de sphères géographiques nouvelles – la Russie de Poutine – dans une logique globale de parti attrape-tout proche du poujadisme.

Source Rfi in Le Matin d’Algérie

Komla
Komla

Je me nomme AKPANRI Komla, historien de formation, arbitre fédéral. Le journalisme est une passion pour moi plus précisément le journalisme sportif puisque je suis un sportif. Ayant fait une formation en histoire, j'aborde aussi des questions politiques, sociales et culturelles

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