Alors que le parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) est arrivé en tête aux législatives anticipées en France dimanche 30 juin, les résultats étaient scrutés partout dans le monde.
À commencer par les partenaires européens, ainsi qu’en Ukraine, où une victoire du parti eurosceptique et réputé proche de Moscou fait craindre un changement dans les positions de Paris. Alors que le très conservateur Victor Urban, grand ami de Donald Trump et Vladimir Poutine, entame en ce 1er juillet son mandat de président de l’Union européenne, la France installe l’extrême droite quasiment au pouvoir.
Allemagne, Macron estimé le seul responsable d’une « débâcle »
Du côté du premier partenaire français et l’autre moitié du couple essentiel à l’Union européenne, l’Allemagne avait les yeux rivés de l’autre côté du Rhin. « La fin du macronisme » : pour le quotidien conservateur Die Welt, c’est une page qui se tourne en France.
Le journal de Munich Süddeutsche Zeitung parle d’une césure historique, rapporte le correspondant de Rfi à Berlin.
Emmanuel Macron en prend pour son grade dans les commentaires à chaud : « Par sa dissolution, il a ouvert les portes du pouvoir au RN », estime le magazine Die Zeit.
Le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine lui juge le président français seul responsable de cette « débâcle » : « Un chef de l’État qui sans nécessité dissout et se prive de sa majorité ne peut pas espérer une mention positive dans les livres d’histoire », assène le journal. Il s’inquiète pour les conséquences internationales des législatives françaises : « la France pourrait être pour des années aux abonnés absents en Europe et au sein de l’Otan. Seule la Russie peut s’en réjouir. »
La classe politique est restée très prudente. Seul l’ancien ministre des Affaires européennes et actuel président de la commission des Affaires étrangères du Bundestag, le social-démocrate Michael Roth a réagi estimant que « Cela ressemble à une nouvelle gifle pour Macron, l’Europe et l’amitié franco-allemande ». Le social-démocrate estime que son pays porte une part de responsabilité dans le résultat des législatives françaises : « Nous nous sommes trop peu demandé comment nous pouvions plus soutenir le pro-européen Macron. Nous ne tenons pas suffisamment compte des débats politiques et des problèmes dans d’autres pays. »
L’UE inquiète d’un affaiblissement et d’une cacophonie venue de Paris
Au siège de l’Union européenne à Bruxelles, aucune réaction n’a eu lieu dimanche soir : officiellement, les institutions et les autorités européennes gardent le silence et elles continueront encore à le faire après ce premier tour, rapporte le correspondant de Rfi à Bruxelles.
Mais Bruxelles craint l’arrivée du Rassemblement national, parti anti-européen, à la tête du gouvernement d’un des membres fondateurs de l’UE. D’autant que la France est également à la fois deuxième contributeur au budget de l’Union européenne et son deuxième pays le plus peuplé. De plus, le partage du pouvoir au sommet de l’exécutif français pourrait affaiblir la position du président Emmanuel Macron, qui continuera à siéger au Conseil européen. Cela en plus du risque d’avoir une cacophonie entre représentants français, menant à une politique européenne plus floue.
L’Ukraine inquiète du soutien de Paris
Mais parmi les sujets qui inquiètent Bruxelles, il y a la question du soutien à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Cela notamment dans le contexte où le parti de Marine Le Pen a affiché depuis longtemps sa proximité avec la Russie, que ce soit via des prêts contractés auprès de banques russes ou lorsque la cheffe de file de l’extrême droite française a été reçue par le président Vladimir Poutine.
Cette proximité du RN vis-à-vis du Kremlin est une grande inquiétude pour Kiev également, Paris ayant été l’un des soutiens les plus constants de l’Ukraine dans son effort de guerre.
Si les médias de Kiev n’ont pas encore réagi dimanche soir 30 juin aux résultats des élections en France, mais la situation politique française est suivie de très près à Bankova, le siège de la présidence ukrainienne à Kiev, rapporte notre correspondant à Kiev, Stéphane Siohan : cette semaine, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a en effet souhaité glisser des messages à l’opinion française, se disant convaincu « que le gouvernement français issu des élections continuerait de soutenir l’Ukraine, quelle que soit la nouvelle donne politique, à la fois sur le champ de bataille et sur le chemin de l’adhésion à l’Union européenne ».
Ce faisant, Volodymyr Zelensky adopte une attitude prudente. Un peu la même que lorsqu’on l’interroge sur la perspective d’une élection de Donald Trump aux États-Unis cette année.
L’arrivée d’un nouveau gouvernement, à Paris, sera forcément scrutée de très près à Kiev, car les enjeux sont majeurs pour l’Ukraine. Le président Emmanuel Macron, depuis quelques mois, a affirmé un leadership de plus en plus fort en Europe dans le soutien à l’Ukraine, avec notamment l’annonce de l’envoi d’avions de chasse Mirage 2000 en Ukraine et la possibilité entrouverte de déployer des personnels militaires de formation sur le territoire ukrainien.
De nombreux candidats RN visés par des sanctions ukrainiennes après des visites en Crimée ou dans le Donbass
Mais la perspective d’un gouvernement RN en France pourrait totalement changer la donne, car Jordan Bardella a bien entendu affirmé qu’il y avait des « lignes rouges ». Ces lignes rouges sont notamment le déploiement de personnels militaires français en Ukraine et également les frappes avec du matériel occidental sur le territoire russe. Cela alors que le président ukrainien cherche justement à avoir l’autorisation explicite de frapper des installations militaires sur le territoire russe, comme les aérodromes d’où partent les avions qui bombardent l’Ukraine quasiment tous les jours.
Une autre question se pose : celle du personnel politique qui pourrait arriver au gouvernement français. Une quinzaine de candidats sur les listes RN pour les élections sont visés par des sanctions de la part de l’Ukraine pour s’être rendus en Crimée, en Fédération de Russie ou bien dans le Donbass lors d’élections. On parle notamment de personnalités comme Thierry Mariani ou Pierre Gentillet : si ces personnes devaient jouer un rôle un peu plus important dans un gouvernement RN, cela pourrait poser des problèmes diplomatiques extrêmement sérieux entre l’Ukraine et la France.
Source Le Matin d’Algérie avecRfi