Un régime trop riche en acides aminés soufrés empêche l’organisme de produire du sulfure d’hydrogène, un gaz toxique en grande quantité mais bénéfique lorsqu’il est fabriqué à dose physiologique par les cellules.
De nombreuses études ont mis en évidence qu’une consommation excessive de viande a des conséquences néfastes pour la santé. La viande rouge a même été classée comme probablement cancérogène pour l’Homme par l’OMS, et les personnes mangeant beaucoup de viande rouge ont un risque de mortalité plus élevé. Ont notamment été mis en cause les graisses saturées, le fer ou encore les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les amines aromatiques. Mais, selon différentes études, c’est un autre ingrédient qui serait à l’origine des effets délétères de la viande : le sulfure d’hydrogène (H2S).
Paradoxalement, ce gaz qui sent l’œuf pourri et qui est très toxique quand on l’inhale, est bénéfique à l’intérieur du corps humain. Il est produit naturellement par l’organisme et assure toute une série de fonctions : il détend l’endothélium vasculaire (la paroi interne des vaisseaux sanguins), inhibe l’expression des facteurs pro-inflammatoires, assure la régulation de certaines fonctions neuronales et digestives.
Or, la viande rouge est particulièrement riche en acides aminés sulfurés. On pourrait donc penser qu’elle est bénéfique pour la santé. Mais c’est tout le contraire car, en diminuant l’apport externe en composés soufrés, on « force » l’organisme à en produire à des doses physiologiques. Une étude de 2015 a ainsi montré que la réduction de la consommation de deux acides aminés soufrés, la cystéine et la méthionine, engendre une hausse de la production de H2S dans les tissus des animaux. « Cela produit une cascade d’effets bénéfiques, comme une augmentation de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, avec une incidence positive sur la santé cardiovasculaire, et une meilleure résistance du foie au stress oxydatif, avec une diminution des risques de développer une maladie du foie », témoigne Rui Wang, un chercheur de l’université de York au Canada, qui a participé à cette étude.
Le même effet bénéfique a été observé chez l’être humain dans une étude parue en février 2020 dans The Lancet. « Les résultats de cette recherche offrent de bonnes preuves qu’en limitant la consommation d’aliments contenant beaucoup d’acides aminés soufrés, on peut réduire les risques de maladies chroniques comme le diabète et les cardiopathies, et augmenter les chances de vieillir en bonne santé », atteste Rui Wang.
Un apport minimum en méthionine, l’un des principaux acides aminés soufrés, est toutefois nécessaire car le corps ne sait pas la synthétiser. La méthionine est abondante dans les œufs, le fromage, la viande, ou le poisson. On en trouve aussi en grande quantité dans le soja, les graines de sésame ou le germe de blé. L’apport journalier recommandé de méthionine est de 14 mg par jour et par kilo de poids.
Indépendamment de la viande, le H2S pourrait constituer une piste de traitement dans plusieurs pathologies lorsqu’il est délivré au bon endroit et en petite quantité. « Plusieurs entreprises pharmaceutiques travaillent sur des composés qui se lient au H2S lors de son transit dans l’organisme et le libèrent à très faible dose dans les tissus. Avec le temps, ils pourraient être administrés de façon préventive pour favoriser un vieillissement en bonne santé », suggère Rui Wang. En 2013, les auteurs d’une précédente étude avaient déjà conclu que le H2S pouvait devenir « le prochain agent majeur pour la prévention et l’amélioration des symptômes du vieillissement et des maladies liées à l’âge », avec notamment un effet sur la maladie de Parkinson ou Alzheimer.
Source: Futura-Sciences