“Les Poupées de la République” : Quand Paul Biya fait campagne par effigie interposée

Yaoundé, Cameroun, à 92 ans, Paul Biya, président du Cameroun depuis plus de quatre décennies, n’a pas foulé le terrain électoral cette année. Mais son absence physique n’a pas empêché sa présence symbolique : des poupées géantes à son effigie et celle de son épouse Chantal Biya ont été déployées dans plusieurs villes du pays, suscitant surprise, amusement et indignation.

Des mannequins grandeur nature, habillés avec soin et arborant les traits du couple présidentiel, ont été aperçus dans des cortèges, sur des podiums et même dans des meetings. Certains étaient installés sur des tricycles décorés, d’autres portés par des militants vêtus aux couleurs du parti au pouvoir, le RDPC.

Cette stratégie visuelle, relayée sur les réseaux sociaux, a été interprétée comme une tentative de maintenir l’image du président dans l’espace public malgré son absence physique. Pour les partisans, c’est une preuve de loyauté et de continuité. Pour les critiques, c’est le symbole d’un pouvoir figé dans le culte de la personnalité.

Le recours à ces effigies soulève des questions sur la vitalité démocratique du pays. À défaut de discours ou de débats, les poupées ont incarné une présence silencieuse mais imposante. Certains observateurs y voient une forme de communication politique postmoderne, où l’image supplante le verbe.

Des analystes politiques camerounais interrogés par La Plume d’Abel estiment que cette mise en scène reflète “l’épuisement d’un système qui se maintient par la symbolique plutôt que par le dialogue citoyen”.

Sur les réseaux sociaux, les réactions ont été vives. “On dirait un carnaval politique”, ironise un internaute. D’autres dénoncent une “déconnexion totale entre le pouvoir et la réalité du peuple”. À l’inverse, certains militants saluent “l’ingéniosité d’une campagne respectueuse de l’âge du président”.

Alors que le Cameroun s’interroge sur sa succession politique, cette campagne par effigie interposée pourrait marquer un tournant dans la manière dont le pouvoir se représente. Elle pose aussi la question de la place des symboles dans les régimes vieillissants.

Komla AKPANRI
Komla AKPANRI

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *