Il s’appelle “Legends XXX” et a entraîné le pétrole à un niveau historiquement bas. Les histoires les plus loufoques de la finance sont souvent celles avec les plus grandes proportions aussi. En 2020, une dizaine de traders britanniques se sont rassemblés sur un groupe WhatsApp pour entraîner le cours du pétrole à un niveau historiquement bas : -37 dollars (au prix du brut américain à court terme). Deux ans plus tard, l’affaire se révèle aux yeux du grand public alors qu’un recours collectif vient d’être validé par un juge.
Après WallStreetBets sur Reddit, place au dossier des “Essex Boys” du pétrole sur WhatsApp. Dans une sorte de réécriture de “La Casse du siècle”, plusieurs traders en bourse sont arrivés à manipuler le cours du pétrole en pleine stupeur des marchés face à la pandémie de coronavirus se développant à vitesse grand V. Le tout, depuis un groupe sur la messagerie instantanée où des écrits montrent leur coordination extrême, attaquée aujourd’hui par un recours collectif.
L’épisode était historique, alors que le prix du baril de brut américain à court terme avait dépassé toute attente en évoluant à des prix négatifs. À ce moment, l’effondrement des industries et des transports liés à la crise sanitaire donnait un excédent de pétrole à de nombreuses raffineries qui n’avaient pas pu réévaluer leur production à temps. À Londres, au même moment, une dizaine de traders créées le compte “Legends XXX”. L’un d’eux écrivait : “On s’est poussés les uns les autres si durement depuis des années pour ce moment précis… Et on l’a fait p les gars”.
La suite, révélée au cours de la semaine par Bloomberg, mentionne d’autres messages du même type, et fortement corrélés à des opérations sur les cours de ces traders. “Je veux voir des prix WTI négatifs”, écrivait l’un, quand un autre préférait leur demander : “S’il vous plaît, ne dites à personne ce qui s’est passé aujourd’hui”. Leur entente pour parier à la baisser, illégale, aurait lourdement agi. Les douze individus mentionnés dans l’enquête auraient gagné l’équivalent de 700 millions de dollars lorsque le pétrole s’effondrait.
Comment peut-on, à 12 traders, manipuler autant les cours du marché du pétrole ? L’enquête est en cours mais Bloomberg analysait déjà en 2020 que ce groupe de britanniques avait été responsable de 29,2% du volume total des transactions sur les contrats à terme sur le pétrole WTI. Le procès s’est saisi de ces informations, ainsi que celles indiquant que 96,2% à 99,7% des opérations effectuées par les différents traders allaient “dans la même direction au même moment”. Le jour précis de ces opérations, le prix du baril passait ainsi de 56 $ à -37 $.
Le jugement devrait être effectué au cas par cas. Mais tous les traders concernés dans le groupe WhatsApp sont associés à la même entreprise, Vega Capital London Ltd et ont “entre le début de la vingtaine et la fin de la cinquantaine d’années. Pour leur défense, ils justifiaient être “indépendants” et se contenter de suivre “des signaux stridents du marché”.
Le juge fédéral américain Gary Feinerman n’est pas de cet avis et commentait que “le contenu de leurs communications, ainsi que le degré élevé de corrélation entre la plupart de leurs positions sur le marché, soulève de manière très plausible l’existence d’une entente entre eux”. Affaire à suivre