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L’affaire fait grand bruit au Nigeria. À Kano, dans le nord du pays, un tribunal islamique a ordonné le mariage de deux influenceurs de TikTok après la publication d’une vidéo les montrant en train de s’embrasser. Le geste, considéré comme “immoral” dans cet État régi par la charia, a été jugé contraire aux valeurs religieuses locales.
Les deux jeunes concernés, Idris Mai Wushirya et Basira Yar Guda, devront, selon la décision du tribunal, se marier dans un délai de 60 jours. La police islamique, appelée Hisbah, a été chargée d’organiser la cérémonie.
“Puisqu’ils s’aiment au point d’afficher leur romance en public, qu’ils se marient”, a déclaré avec ironie un porte-parole judiciaire de Kano. Les familles des deux influenceurs auraient donné leur accord et les préparatifs seraient déjà en cours.
Kano fait partie des douze États du nord du Nigeria où la charia coexiste avec le droit commun. La Hisbah y veille au respect de la morale islamique et poursuit régulièrement des influenceurs pour “comportements indécents” sur les réseaux sociaux.
Mais cette décision a suscité un tollé à travers le pays. De nombreuses voix dénoncent un abus d’autorité et une violation flagrante des droits fondamentaux. L’Association du barreau nigérian (NBA) a exprimé sa “vive inquiétude” face à ce qu’elle qualifie d’“excès judiciaire”.
Dans un communiqué, la NBA a rappelé qu’aucun tribunal n’a le pouvoir de contraindre deux personnes à se marier. “Le mariage est, par essence, une union volontaire entre adultes consentants. Il ne peut être imposé ni comme punition, ni comme correction morale”, souligne l’organisation.
Le barreau estime que cette décision viole la Constitution nigériane, qui garantit la liberté individuelle, la dignité humaine et le respect de la vie privée. Il demande un réexamen immédiat de la décision rendue par la magistrate Halima Wali et appelle les autorités judiciaires à prévenir de telles dérives à l’avenir.
“Les tribunaux doivent rester des garants de la justice, pas des instruments de conformité sociale ou religieuse”, conclut la NBA, qui a chargé son Comité des libertés citoyennes et son Forum des femmes de suivre de près l’évolution de cette affaire.
Daniel GABA DOVI





