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Moscou et Washington semblent camper sur leurs positions en termes de garanties de sécurité après le sommet de Genève. Un accord total serait « un miracle », estime un spécialiste des relations russo-américaines auprès de Sputnik, qui suggère que Moscou pourrait viser le secteur économique des pays membres de l’Otan en cas d’actions inamicales.
La Russie et les États-Unis ont été peu enthousiastes pour se mettre d’accord sur les questions abordées lors des discussions tenues à Genève le 10 janvier sur les garanties de sécurité. Le porte-parole de Vladimir Poutine a pointé un manque d’optimisme pour obtenir un consensus, même s’il est « prématuré de tirer des conclusions ».
Pourtant, « c’est une question de sécurité mutuelle sur le continent européen. C’est dans l’intérêt des Européens eux-mêmes », surtout faute de traités qui l’encadreraient, a pointé le directeur du Fonds Franklin Roosevelt consacré à l’étude des États-Unis auprès de l’université d’État de Moscou, Youri Rogoulev, dans une interview accordée à Sputnik.
« L’ancien système de sécurité est démantelé, il ne fonctionne presque plus, des traités ont pris fin, mais aucun nouveau ne lui a succédé. Voici pourquoi tout le monde a commencé à compter le temps de vol [des missiles] », poursuit-il.
En effet, l’initiative russe visant à se mettre d’accord sur les garanties de sécurité est arrivée sur fond de renforcement de la présence militaire de l’Otan à proximité de la Russie et particulièrement sur fond de retrait américain du traité de sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en 2019 et du traité Ciel ouvert, ce qui a contraint à son tour Moscou à dénoncer celui-ci officiellement en décembre 2021.
Un accord total serait « un miracle »
Si l’Occident accepte toutes les propositions russes, ce serait « un miracle », considère M.Rogoulev.
Selon lui, les pourparlers Russie-Otan, prévus le 12 janvier à Bruxelles, seront encore plus compliqués que les précédents vu leur caractère multilatéral:
« Il est beaucoup plus compliqué d’aboutir à un accord avec une trentaine de pays qu’avec un seul. Il y aura plus d’obstacles pour parvenir à un accord. Car ils [les membres de l’Alliance atlantique] n’arrivent parfois pas à s’entendre à l’intérieur du bloc. »
À l’approche des négociations, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a exprimé le 10 janvier son espoir de pouvoir se mettre d’accord « sur une voie à suivre », « sur une série de réunions, sur un processus ».
De son côté, la diplomatie russe a qualifié celles de Genève de « complexes » et a exclu tout compromis de la part de Moscou quant à sa position sur les garanties de sécurité.
Quelle serait la réponse russe en cas d’échec des pourparlers?
Commentant le potentiel refus de l’Alliance atlantique de donner à la Russie des garanties de sécurité et le maintien de sa politique d’élargissement à l’est, par exemple avec l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Otan, Vladimir Poutine avait promis fin décembre une réponse « toute différente » de ce qui avait pu se faire auparavant.
Selon M.Rogoulev, il pourrait s’agir de mesures ayant un impact sensible, que ce soit dans les secteurs économique, financier ou énergétique, susceptibles de nuire réellement aux économies américaine et européenne.
Le spécialiste rappelle que les États-Unis avaient avoué sentir les effets négatifs des sanctions mises en place par la Russie, étant désormais contraints d’aborder l’introduction de sanctions antirusses de manière plus scrupuleuse pour ne pas défavoriser l’économie américaine.
« Quant à l’économie européenne, elles [les sanctions russes, ndlr] lui porteront atteinte à 100%. Les Européens y réfléchiront à deux fois avant de soutenir d’éventuelles sanctions américaines contre la Russie », a indiqué le directeur du Fonds.
Bien que Moscou tente de s’assurer que l’Ukraine et la Géorgie n’adhèrent pas à l’Otan, Youri Rogoulev souligne que rien n’est acté depuis 2008, lorsque Washington avait annoncé leurs adhésions potentielles.
« Cela peut durer encore une vingtaine d’années », précise-t-il, rappelant que malgré ce suspens, « diverses activités militaires se déroulent sur leurs territoires ceux de l’Ukraine et de la Géorgie, par exemple, des manœuvres près des frontières russes ou des camps d’entraînement, l’implantation de bases ou de centres », ce à quoi la Russie s’oppose également.
Mettant en avant le fait que l’absence d’accord sur les garanties de sécurité n’entraînera pas de riposte immédiate, il a estimé que « la réponse russe serait concrète en fonction de l’activité qui aura lieu sur les territoires de ces pays ». Et d’ajouter: « la Russie a ouvertement mis en garde ».
Les prochaines négociations incluant les Européens et l’Ukraine se tiendront le 12 janvier à Bruxelles au sommet Russie-Otan, puis le 13 janvier à Vienne, au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Source : sputnik news