0076/HAAC/01-2023/pl/P
Trois jours après les inondations dévastatrices qui ont frappé Safi, sur la côte atlantique marocaine, la ville reste meurtrie. Le bilan officiel fait état d’au moins 37 morts, mais c’est désormais la colère qui domine, nourrie par un sentiment profond de négligence et d’abandon.
Dans la médina, l’eau et la boue continuent de remonter dans les ruelles malgré les opérations de nettoyage. Pour Reda, habitant du quartier, le drame n’a rien d’une fatalité. Il dénonce l’absence d’entretien du réseau d’assainissement et le manque d’anticipation des autorités face aux pluies hivernales. « On ne prépare rien ici. Le réseau est laissé à l’abandon », regrette-t-il.
Un risque connu, mais jamais traité
Safi est régulièrement exposée aux crues de l’oued Chaâba, un cours d’eau sec la majeure partie de l’année mais redoutable lors des fortes pluies. La vieille ville, construite à son embouchure, est particulièrement vulnérable. Les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent un torrent d’eau boueuse dévalant les rues, emportant voitures, marchandises et mobilier urbain.
Pour de nombreux habitants, la gravité du bilan humain est directement liée aux inégalités sociales. « Ici, ce sont les classes populaires. Les politiciens ne nous représentent pas, ils nous ignorent, et voilà le résultat », accuse Reda.
Une colère organisée
Face à la catastrophe, partis politiques, syndicats et associations ont annoncé la création d’une commission de solidarité. Dans un communiqué, elle dénonce « des années d’abandon » et une « mauvaise gestion des infrastructures ». Pour Abdellah Mzirda, membre de la commission, Safi subit un « processus de marginalisation depuis l’indépendance ».
Une situation d’autant plus incompréhensible que la ville joue un rôle stratégique dans l’économie marocaine, notamment grâce à la production de phosphate. « Les ressources existent, mais il n’y a ni développement ni évolution », déplore Mzirda. La commission prévoit un sit-in dimanche pour exprimer la colère collective des habitants.
Une enquête ouverte, mais des réponses attendues
Les autorités locales n’ont pas répondu aux sollicitations, mais le parquet national a annoncé l’ouverture d’une enquête pour déterminer les causes exactes de la tragédie et en éclaircir les circonstances. En attendant, Safi pleure ses morts et réclame des comptes.





