Schengen-19: le jeu géopolitique du vaccin par une Europe asphyxiée

Schengen-19 : Le jeu géopolitique du vaccin par une Europe asphyxiée

L’apparition du «Covid-19» en l’an 2019 a fait tomber beaucoup de mythes sur la capacité de plusieurs pays dans le domaine de la recherche scientifique sans toutefois être une opportunité pour l’Afrique de se démarquer positivement. La plus grande chose qu’il faut en retenir, c’est que malgré son handicap de départ, l’Afrique ne subit pas de plein fouet la violence du Covid-19 comme c’est le cas pour plusieurs pays dits développés. Bien au contraire tout comme l’Afrique certains pays démontrent leur incapacité à chercher le vaccin ou le sérum et à l’image de l’Afrique ils sont prêts à tendre la main pour utiliser ce que proposent les autres. La seule différence c’est qu’ils veulent payer alors que l’Afrique attend qu’on paie pour elle. N’en déplaise à tous ceux qui veulent donner l’impression qu’ils gèrent bien la crise sanitaire dans leurs pays, notre mal aimé Covid-19 a servi à nommer un grand nombre de réalités distinctes suivant les contextes particuliers dans lesquels on y répond, les motivations de ceux qui y recourent pour justifier des décisions, aussi bien que le cadre de réponse dans lequel il s’insère.

Reconnaissons que pour une fois, les spécialistes ne rassurent pas et se livrent à un spectacle qui ne rassure pas l’opinion car naviguant à vue et se contredisant au fur et à mesure que la situation générale évolue. À cette ambiguïté de sens s’ajoute une tendance de certains pays occidentaux à se prendre pour ceux qu’ils ne sont plus. Depuis quand quelqu’un qui est incapable de fabriquer un vaccin peut se permettre de se prononcer sur des vaccins qui apportent plus de résultats ? Une fois de plus, face à des structures comme l’Organisation Mondiale de la Santé, certains pays européens arrivés à la ménopause de la recherche scientifique veulent décréter les vaccins à utiliser.
En raison de la pandémie de Coronavirus / Covid-19, les frontières extérieures à l’espace européen restaient fermées, sauf exception. Même ouverts depuis peu, les déplacements internationaux sont conditionnés. De nombreux pays prennent des mesures pour limiter la circulation des voyageurs. Les modalités des déplacements en provenance ou à destination de l’espace Schengen dépendent d’une classification et de la vaccination des voyageurs. Par exemple, pour ce qui concerne la France : les voyageurs qui sont en mesure d’apporter la preuve d’avoir reçu la totalité des doses prescrites pour l’un des vaccins reconnus par l’agence européenne des médicaments devront s’engager à respecter un auto-isolement de 7 jours; les voyageurs qui ne sont pas en mesure d’apporter la preuve d’avoir reçu la totalité des doses prescrites pour l’un des vaccins reconnus par l’agence européenne des médicaments seront soumis à une quarantaine obligatoire de 10 jours, contrôlée par les forces de sécurité. Il faut relever que cette règle de la vaccination obligatoire ne s’impose pas à tous les pays mais plutôt se réfère à une classification des pays sur la base des indicateurs sanitaires. Les listes des pays sont susceptibles d’être adaptées selon les évolutions de leur situation épidémique. Loin de vouloir critiquer les mesures, il faut s’interroger sur : pourquoi l’Espace Schengen veut donner l’impression que certains vaccins ne sont pas valides quand l’OMS en donne la garantie ? Pourquoi imposer aux ressortissants d’autres pays les vaccins homologués par Schengen quand on sait que les individus n’ont pas le choix du type de vaccin à prendre dans leurs pays respectifs ? Un tour sur le site (https://www.ema.europa.eu/en/human-regulatory/overview/public-health-threats/coronavirus-disease-covid-19/treatments-vaccines/vaccines-covid-19/covid-19-vaccines-authorised#authorised-covid-19-vaccines-section ) permet de se rendre compte que seuls 4 vaccins sont reconnus : Comirnaty; Covid-19 Vaccine Janssen; Spikevax (previously Covid-19 Vaccine Moderna); et Vaxzevria (previously Covid-19 Vaccine AstraZeneca). Tout porte à croire que l’OMS et la communauté internationale imposent les normes à certains pays et d’autres se permettent de souscrire aux normes de leurs choix.
L’OMS ne dispose ni de pouvoirs de sanction, ni même de pouvoirs d’inspection
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est l’institution spécialisée des Nations Unies pour la santé dans le monde. Constituée de 194 États Membres, elle agit partout sur la planète pour promouvoir le meilleur état de santé possible pour tout être humain, quels que soient sa race, sa religion, son genre, ses opinions politiques et sa situation économique ou sociale. La mission de l’OMS est de promouvoir la santé, de préserver la sécurité mondiale et de servir les populations vulnérables. L’accès à des soins de santé adaptés et économiquement abordables est un droit fondamental de la personne humaine et la couverture sanitaire universelle est un principe cardinal de l’action de l’OMS.
Critiquée dans un récent rapport pour n’avoir pas agi suffisamment tôt quand l’épidémie de Covid-19 s’est déclarée en Chine, l’Organisation mondiale de la santé reste un organe consultatif qui dépend du bon vouloir des États. L’OMS est une agence onusienne intergouvernementale et pas supranationale dont le rôle est essentiellement normatif : l’OMS ne dispose ni de pouvoirs de sanction, ni même de pouvoirs d’inspection, contrairement à d’autres agences comme l’Organisation internationale du travail (OIT) ou l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’action de l’OMS dans la pandémie s’est jouée dans le cadre du règlement sanitaire international (RSI 2005) qui a pour objectif de prévenir les risques graves pour la santé publique et de gérer les crises épidémiques. Comment reprocher à l’OMS de ne pas avoir joué son rôle de coordinateur, de leader face à la pandémie quand ce sont les mêmes pays qui le critiquent qui sont à la base de son échec ? Les critiques de l’OMS, elles sont essentiellement le fait des pays les plus riches, ceux qui ont le moins besoin de l’OMS car ils disposent d’infrastructures et d’agences de santé publique fortes et qui malheureusement emballent l’opinion publique internationale sur des faits qui sont plus politiques et stratégiques que scientifiques. Cette situation résulte d’un cadre dans lequel les États membres ne donnent aucune capacité contraignante à l’OMS tout en sapant ses efforts comme le font les pays de la zone Schengen sur le choix des vaccins. En vérité, l’OMS a joué son rôle de coordinateur et de chef de file en réunissant de nombreuses organisations comme la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI), la GAVI – l’Alliance du vaccin, le Fonds mondial, UNITAID, le Wellcome Trust, ou encore la Fédération internationale de l’industrie du médicament (IFPMA), qui se sont tous engagés à agir ensemble; en pratique les actions parallèles de certains pays occidentaux incapables même de produire un vaccin ne font que fragiliser les initiatives de l’OMS. Et malheureusement dans ce jeu, ce sont les pays dits pauvres qui vont supporter les conséquences dans un contexte où ils sont manipulés pour afficher une hostilité vis-à-vis de l’OMS.
Dans le contexte actuel de tensions sino-américaines, l’Europe choisit la mauvaise méthode pour se repositionner car arrivant à la table des enchères sans aucun produit vaccinal réel. Une fois de plus elle ne doit sa place qu’à la récupération stratégique des efforts scientifiques de la Grande Bretagne dépositaire du vaccin AstraZeneka et qui d’ailleurs n’est plus de la fameuse zone Schengen. La zone euro ferait mieux d’appuyer l’OMS avec des moyens nécessaires pour pouvoir piloter de façon opérationnelle la crise avec des pouvoirs plus forts, et notamment des prérogatives d’inspection. Le multilatéralisme apporte des solutions qu’aucun État ne pourra apporter à lui seul et le rôle de l’OMS est essentiel, notamment pour les pays les plus démunis.

Jeu géopolitique d’une Europe asphyxiée
La pandémie qui sévit à l’échelle mondiale souligne l’importance de la solidarité, qui doit permettre de pouvoir compter sur l’appui et la collaboration de chacun des pays membres des Nations Unies autour de l’entité ayant autorité sur les questions de santé au sein du système des Nations Unies. D’ailleurs, selon les Nations Unies, cinq raisons qui expliquent le rôle essentiel de l’OMS pour lutter contre le Covid-19 : 1) aider les pays à se préparer et à réagir. L’OMS a publié un plan stratégique de préparation et d’intervention face au Covid-19, qui identifie les principales actions que les pays doivent entreprendre et les ressources nécessaires pour les mener à bien ; 2) fournir des informations précises, briser les mythes dangereux. L’Internet est inondé d’informations sur la pandémie, certaines utiles, d’autres fausses ou trompeuses. Au milieu de cette « infodémie », l’OMS produit des conseils précis et utiles qui peuvent aider à sauver des vies. Il s’agit notamment d’une cinquantaine de conseils techniques destinés au public, aux professionnels de la santé et aux pays, avec des indications fondées sur des données probantes concernant chaque élément de la riposte, et de faire exploser des mythes dangereux ; 3) veiller à ce que les fournitures vitales parviennent aux travailleurs de santé. Les équipements de protection individuelle sont essentiels pour que les professionnels de la santé puissent sauver des vies, y compris les leurs ; 4) formation et mobilisation des travailleurs de la santé. L’OMS vise à former des millions de travailleurs de la santé, via sa plateforme OpenWHO. Grâce à cet outil en ligne, l’agence onusienne et ses principaux partenaires transfèrent des connaissances vitales au personnel sur le terrain. Les utilisateurs participent à un réseau mondial d’apprentissage social, basé sur des cours et du matériel interactifs en ligne couvrant une variété de sujets. OpenWHO sert également de forum pour le partage rapide de l’expertise en matière de santé publique, ainsi que pour des discussions approfondies et un retour d’information sur des questions clés ; 5) al recherche d’un vaccin. Ce dernier point est d’ailleurs important et se trouve être l’une des raisons de la méfiance déplacée du continent envers cette institution à travers une campagne d’adeptes de la théorie du complot qui trouve sa source en Europe.
Sur la question du vaccin il faut relever les efforts de coordination de l’OMS pour tenter d’encadrer la course aux vaccins mais surtout d’identifier les priorités de recherche. L’agence a lancé un « essai de solidarité », un essai clinique international auquel participent 90 pays, pour aider à trouver un traitement efficace. L’objectif est de découvrir rapidement si les médicaments existants peuvent ralentir la progression de la maladie ou améliorer la survie. C’est justement à cette occasion que soudainement et collégialement « à la panurge » beaucoup d’Africains se sont indignés du pourquoi les Africains devraient faire partie d’un programme de recherche de vaccination. Comme si la pandémie était une affaire de race ou de religion. Il faut noter que pour mieux comprendre le virus, l’OMS a élaboré des protocoles de recherche qui sont utilisés dans plus de 40 pays, de manière coordonnée, et quelque 130 scientifiques, bailleurs de fonds et fabricants du monde entier ont signé une déclaration dans laquelle ils s’engagent à travailler avec l’OMS pour accélérer la mise au point d’un vaccin contre le Covid-19. Les premiers résultats sont là aujourd’hui et risquent d’être sabotés par les politiques parallèles de l’Union Européenne et son Schengen. Tout ce flou n’est qu’un jeu géopolitique d’une Europe asphyxiée qui cherche à se rendre intéressante dans une compétition où elle est appelée à suivre la suite comme un spectateur. Les spéculations liées à un vaccin distribué en Afrique mais non homologué en Europe n’est que de la géopolitique.
C’est en Afrique que le destin de l’Europe se joue à court et moyen terme
Selon la conception classique reprise par La Chaire Géopolitique du Risque, la géopolitique, en tout cas selon la légende, n’est pas un terme classique. Dans l’antiquité on parle de la politique des peuples, de la tactique de la guerre. Chez Aristote, mais aussi Tacite, Bodin, Montesquieu, on retrouve des réflexions sur l’impact du milieu géographique sur la politique des peuples. Mais, vers la fin du XXe siècle, on constate une transformation importante dans la pratique de la géographie elle-même. Chez von Humboldt et Ritter, la géographie transcende la simple description du monde pour devenir une réflexion sur la manière dont les sociétés s’insèrent dans l’espace. La notion de « géopolitique », telle que l’ont utilisée les hommes politiques, les diplomates ou les militaires, est d’ordre essentiellement stratégique. C’est la politique —et toute politique est une stratégie ; parfois les deux termes se recoupent— qui vise la maîtrise de l’espace géographique, tant au niveau extérieur qu’au niveau intérieur. Au niveau extérieur, la géopolitique vise l’obtention d’un territoire aux dimensions optimales, ou d’une sphère d’influence cumulant le maximum d’atouts. En temps de paix, ce sont les diplomates qui tentent de réaliser les désirs géopolitiques d’une puissance ; en temps de guerre, ce sont les militaires.
Même si c’est un secret de polichinelle, le continent africain s’impose également dans ce renouveau géopolitique. Car c’est en Afrique que le destin de l’Europe se joue à court et moyen terme. L’horizon européen ne peut plus se limiter au voisinage immédiat. On ne peut plus réfléchir, que l’on soit en Europe ou au Sud de la Méditerranée, sans intégrer dans ses prospectives politique et économique l’émergence de l’Afrique, dont la population va doubler d’ici à 2050. Les enjeux sont énormes et vous comprendrez pourquoi malgré ses propres péripéties dans la crise du covid-19, l’Europe et plus précisément la France veut toujours parler pour l’Afrique.
Que la zone Schengen cesse son nombrilisme et s’aligne comme tous les autres pays dans une approche coordonnée et intégrée de la vaccination comme le font déjà les pays sous le leadership de l’OMS.
L’esclavage et la colonisation que planifie l’Europe pour continuer à vivre de l’Afrique?

L’Expression n°9 du 02/07/2021

Komla
Komla

Je me nomme AKPANRI Komla, historien de formation, arbitre fédéral. Le journalisme est une passion pour moi plus précisément le journalisme sportif puisque je suis un sportif. Ayant fait une formation en histoire, j'aborde aussi des questions politiques, sociales et culturelles

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