Alors que la productivité et les performances augmentent avec l’introduction des machines ultra perfectionnées en entreprise, travailler avec des robots rendrait l’être humain moins consciencieux, un paradoxe qu’une étude met en lumière. Être secondé dans les tâches nous exonère en quelque sorte de l’effort mental et de l’attention à fournir. Ce que les auteurs qualifient de « flânerie sociale » s’applique aussi au « traitement inattentif », une sorte de « regarder sans voir » dont les effets pervers conduisent à la paresse ou… à la perte de motivation.
L’heure est à la spéculation quant aux effets de l’automatisation sur le monde du travail. L’introduction de robots représente un potentiel gain de productivité pour les entreprises. Mais une récente étude allemande affirme que les machines autonomes ne nous rendraient pas plus efficaces. Bien au contraire.
Un trio de chercheuses de l’université technique de Berlin a conçu une expérience visant à déterminer si les travailleurs fournissent moins d’efforts s’ils pensent que leur contribution sera éclipsée par celle d’un robot. Pour ce faire, elles ont demandé à 42 volontaires d’examiner des images de circuits électroniques pour détecter des erreurs potentielles. Elles les ont prévenus qu’un ordinateur monitorerait leur travail.
Par ailleurs, les participants de l’étude, publiée dans Frontiers in Robotics and AI, ont été répartis en deux groupes. Les membres du premier ont dû regarder des circuits qui avaient déjà été inspectés, au préalable, par un robot. Les autres ont été informés qu’ils seraient les seuls responsables du contrôle de la qualité des circuits. Ce protocole expérimental a montré que les volontaires qui travaillaient en collaboration avec une machine étaient moins consciencieux que les autres. En effet, ils avaient tendance à détecter, en moyenne, 3,3 erreurs par image, contre 4,2 pour leurs collègues qui travaillaient en autonomie.
Un moindre engagement mental et un traitement moins attentif
Ces résultats laissent penser que les membres du premier groupe ont observé les circuits électroniques avec moins d’attention que ceux de l’autre groupe. « Les participants à notre étude semblent avoir maintenu l’effort moteur nécessaire à la recherche sur les tableaux, mais il semble que la recherche ait été effectuée avec moins d’effort mental et moins de vigilance à l’égard de l’information échantillonnée. Les changements dans l’effort mental sont beaucoup plus difficiles à mesurer, mais ils doivent être réduits au minimum pour garantir de bonnes performances », écrivent les universitaires dans leur article.
C’est pourquoi les scientifiques estiment qu’il est important de « comprendre et d’anticiper » les conséquences que pourrait avoir l’intrusion des robots dans l’emploi. Les interactions homme-machine peuvent faciliter l’exécution de certaines tâches automatisables, ce qui contribuerait à augmenter la productivité et, donc, la croissance économique des entreprises. Mais elles peuvent aussi provoquer une perte de motivation chez le partenaire humain de l’équipe, qui peut se sentir dépassé par la technologie.
Dynamique de groupe et flânerie sociale
On observe le même phénomène au sein des équipes « 100 % humaines ». Il porte le nom de flânerie sociale. Ce concept, théorisé par l’ingénieur agronome français Maximilien Ringelmann, affirme que les individus tendent à diminuer les efforts qu’ils fournissent en groupe, et ce, de façon proportionnelle à la taille du groupe. En d’autres termes, plus on est nombreux à travailler sur un même projet, moins on a envie de s’impliquer.
Cette étude montre, pour la première fois, que la flânerie sociale s’applique également aux interactions homme-robot. Davantage de recherches sont nécessaires pour comprendre les effets et les limites de ce phénomène dans le cas de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la sphère professionnelle.
Futura avec l’agence ETX Daily Up