Un mouton au milieu des millions de bouchers

Là où il n’y a pas de vision, les peuples périssent. La qualité des protéines apportées par les aliments dépend de leur capacité à assurer l’approvisionnement de l’organisme en acides aminés pour répondre aux besoins de croissance et de renouvellement des protéines corporelles.

La consommation algérienne en viande de mouton et de bœuf est de 10 kg par habitant et par an. La production en produits carnés constitue un marqueur symbolique de la prospérité d’une société. L’Algérie compte vingt millions de têtes d’ovins et produit 325 000 tonnes de viande ovine d’après les statistiques officielles. Dans un contexte où la demande augmente sensiblement, le déficit en apport de protéines se creuse dangereusement fragilisant la santé des populations fragiles souffrant de malnutrition.

L’Algérie est le seul pays au monde à négliger ses paysans, ses artisans, ses travailleurs qualifiés, ses fonctionnaires honnêtes, ses penseurs, ses créateurs alors qu’aujourd’hui en Europe, aux Etats-Unis, le revenu des paysans est protégé et subventionné et la terre prend de la valeur. La revalorisation de la terre serait un moyen de redonner à l’algérien le goût du travail et non l’envie de fuir le pays ou de mettre sa vie en péril dans des embarcations de fortune.

Les chiffres ne se « mangent » pas, le pétrodollar ne se « boit » pas. Pour le commun des mortels, les chiffres ne se mangent pas. En effet, un nourrisson a besoin de lait, un affamé de pain, un assoiffé d’eau, un malade de soins, un chômeur de travail, un paysan de terre, un épicier d’épices, un investisseur de sécurité, un entrepreneur de liberté, un comptable de chiffres. Vous dites que les salaires vont augmenter en deux ans de 47 %, que le taux d’inflation ne dépassera pas les 9 %, que les réserves de changes vont dépasser les 60 milliards de dollars, que le taux de croissance sera de 05 % l’an, que l’Algérie va rejoindre le BRICS. Tout va bien dans le meilleur des mondes…

L’Algérie virtuelle est née, l’Algérie réelle est morte. Il vous suffit d’un clic pour faire apparaître les bons chiffres et faire disparaître les mauvais. Ne dit-on pas en économie que la mauvaise monnaie chasse la bonne. Des morts qui ressuscitent les vivants. La mort n’a jamais enfanté la vie. Des économistes et autres politiciens sans scrupules doivent comprendre que les chiffres ne se mangent pas. Non, les beaux discours et les statistiques élogieuses n’ont jamais rempli le couffin de la ménagère, n’ont jamais soigné les malades, n’ont jamais éduqués les enfants, n’ont jamais créé des emplois pour les jeunes diplômés qui chôment dans ce vaste pays. Les prévisions optimistes et les projections aléatoires n’ont jamais nourri les des populations.

De même qu’on ne construit pas édifice avec la bouche, on ne développe pas un pays avec les chiffres. Tandis que le taux de croissance économique grimpe d’année en année, le panier de la ménagère, lui, se vide, les emplois se font de plus en plus rares, l’éducation se dégrade. De toute façon, le jour où je mangerai à ma faim et boirai à ma soif, le jour où je pourrai me loger décemment et me soigner sans avoir à m’endetter, le jour où mes frères sortis des grandes écoles auront de l’emploi sans se compromettre ou corrompre, ce jour-là, quel que soit le pourcentage de croissance économique, je saurai que le pays est sur la bonne voie.

L’argent du pétrole s’est substitué à la providence divine. Il a obtenu la soumission de la population et le soutien des puissances étrangères. Il est devenu incontournable. Il a dilué l’islamisme dans un baril de 150 dollars. Il a calme les jeunes contaminés par le printemps arabe. Il est à l’origine de toutes les fortunes acquises en dinars et en devises. Il interdit aux gens de travailler sérieusement, d’investir de façon rationnelle ou de produire des biens et services en dehors des sphères que contrôle l’Etat. Bref, il fait de la politique, de l’économie et de la diplomatie.

Entre le pétrodollar et le narcodollar, le dénominateur commun est le dollar. Il corrompt tout le monde. Nous sommes tous drogués. Elle est dans la farine, dans la poudre de lait dans la viande, dans les médicaments. Elle est dans tout ce que le gouvernement importe et que nous consommons sans sourciller.

Déçu par tant de forfaitures et de lâcheté, un jeune poète inconnu, aurait lâché ce cri de désespoir au peuple algérien : «pleure comme une femme, un pays que tu n’as pas su bâtir comme un homme ; tu as succombé au gain facile ; tu t’es rabaissé pour le ramasser ; tu t’es débarrassé du bleu de travail du colon pour enfiler la djellaba blanche de l’indépendance, tu as retiré tes bottes pour porter des sandales, tu t’est dit, c’est le repos du guerrier. De dix millions tu es passé à quarante millions d’habitants. Du lait de chèvre, tu es passé au lait de vache, du couscous au pain parisien. Tu t’es rasé tes moustaches pour garder la barbe. Une barbe que tu as fini par raser pour paraître jeune et vigoureux et prendre le large à bord d’embarcation de fortune à destination de l’Europe, ce miroir aux alouettes. Tu n’es plus jeune tu as soixante ans d’indépendance.

Tu demandes ta retraite c’est-à-dire de te retirer de la vie inactive pour avoir perçu des revenus sans contrepartie productive soit en tant que salarié, fonctionnaire, importateur, banquier, commerçant, profession libérale et j’en passe. Indépendance signifiait pour toi, pointer et attendre la fin du mois pour ton virement pour avoir fait semblant de travailler. Tu ne dois pas faire la mue lorsque l’Etat fait semblant de te payer en argent solide sous forme de biens et services importés (pétro dollars) en période de vache grasse et en argent liquide en actionnant la planche à billets (pétrodinars) en période de vache maigre. Le cours du brut est un instrument redoutable de domestication des peuples et d’aliénation des élites.

En Algérie, c’est l’argent du pétrole et le gaz qui s’est substitué à Dieu. Il a obtenu la soumission des populations et le soutien des puissances étrangères, Pour conclure, l’Algérie est-elle prête à céder les réserves de pétrole et de gaz se trouvant dans le sous-sol contre tout bonnement un peu d’eau et beaucoup d’oxygène car considère-t-elle, que si le pétrole et le gaz « polluent », l’eau et l’air « purifient », consciente de plus en plus que la terre algérienne n’a pas besoin du sang des guerriers mais de la sueur des hommes. Pour ce faire, elle est à la recherche d’une nouvelle idéologie fondée sur le travail créateur de richesses et d’une pensée libératrice productrice de valeurs et de symboles pour la tirer de cette léthargie qui lui colle à la peau depuis plus de cinq décennies.

Que de temps perdu ? Que d’énergie gaspillée ? Que d’opportunités ratées ? Dans un pays où s’accumulent des fortunes et où l’homme dépérit, on ne peut que méditer cet adage populaire : « une richesse amassée est un tas de fumier puant et que par contre une richesse répandue est un engrais fertile ». Tranquille est celui qui n’a pas d’âne, il ne s’occupe ni de sa paille ni de son orge. Un animal domestique est un animal qui se fait servir par son maître.

Un lion marche seul, un mouton en troupeau. Un troupeau a besoin d’un berger. Un berger d’un propriétaire qui décide de la direction à prendre l’abattoir en période de sécheresse ou les pâturages en période humide. L’algérien ne regarde plus le ciel, il scrute la mer l’arrivée d’un bateau de blé battant pavillon français ou russe ou le départ d’une barque de jeunes haragas pour des rivages inhospitaliers.

L’Algérie vogue au gré des vents de l’est et de l’ouest sans gilet de sauvetage et sans boussole. Résultats des courses, plus l’économie est fragile, plus les menaces internes sont dangereuses, plus les Etats font appel à l’extérieur, les dirigeants politiques recherchent des patrons étrangers (ancienne puissance coloniale ou super puissance) donc une relation d’Etat client à Etat-patron. D’où un retour en force, sous l’impulsion des économies dominantes ou des organisations multilatérales qu’elles contrôlent des pressions en faveur du libéralisme c’est à dire du libre jeu du marché, de la vérité des prix, de la liberté d’entreprendre, mais aussi de la privatisation, de la déréglementation, d’un rôle aussi large que possible de l’entreprise et des capitaux privés y compris étrangers ainsi qu’une référence déterminante aux critères de la combativité sur les marchés mondiaux au détriment des besoins vitaux des populations locales tenues à l’écart des grandes enjeux géostratégiques qui se profilent à l’horizon 2030.

Le Matin d’Algérie

Komla
Komla

Je me nomme AKPANRI Komla, historien de formation, arbitre fédéral. Le journalisme est une passion pour moi plus précisément le journalisme sportif puisque je suis un sportif. Ayant fait une formation en histoire, j'aborde aussi des questions politiques, sociales et culturelles

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