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Un gamin de vingt ans a tenté d’assassiner l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, en meeting pour sa réélection, il a perdu la vie. Que faisait ce très jeune homme avec une arme de guerre et comment se l’est-il procurée ? C’est sous cet angle que je souhaiterais aborder la réflexion car il est directement lié à l’événement.
Il n’a échappé à personne que ce n’est pas la première fois qu’un personnage de pouvoir a été victime d’une tentative d’assassinat. Si César pouvait ressusciter, il viendrait témoigner à la barre de celui dont il fut victime par Brutus, son beau-fils.
Il n’y a pas de nombreux motifs qui mènent à l’assassinat autres que la vengeance, la démence, l’opposition politique ou les travers humains. Quelles sont les raisons qui ont poussé ce jeune homme à exécuter un acte autant horrible qu’inexplicable ? Les premières investigations soulèvent une présomption de troubles du mal-être mais sans encore une certitude.
Comment ce jeune nouvellement diplômé du secondaire s’est-il procuré cette arme de guerre si terrifiante ? On sait combien le trafic d’armes alimente les délinquants et criminels de ce monde mais on peut affirmer avec certitude que ce n’est pas le fait de la quasi-totalité des citoyens civils car en ce domaine la législation est rigoureuse dans la plupart des pays.
Le cas des États-Unis est à part, car il est le seul État important dans le monde à avoir une législation qui permet aux citoyens l’achat et le port d’une arme sans appartenir à une force de sécurité ou militaire. Le second amendement de la Constitution américaine en est le fondement juridique.
Mais avant de l’aborder, je dois faire part de mon opposition farouche à adhérer à la rapide explication (très partagée) de la violence comme inhérente à la société américaine. Toutes les études ne pourront jamais me convaincre car de très nombreux autres pays dans le monde connaissent une violence armée d’une manière bien plus considérable.
Restons donc avec une explication objective par le second amendement. Mais au préalable, un rapide rappel s’impose.
Les États-Unis ont connu quatre présidents assassinés si nous excluons de multiples tentatives d’assassinats. Le premier fut Abraham Lincoln en 1865, puis le président James Abram Garfield en 1881, en 1901 ce fut le cas du président William McKinley pour arriver au cas le plus retenu dans les mémoires car dans une période contemporaine, celui de John Fitzgerald Kennedy.
Quant aux cas de morts inexpliquées, ils sont nombreux mais il faut prendre en compte l’incapacité médicale de l’époque à en diagnostiquer les causes pour des personnes dont l’âge est avancé. Nous voyons bien que l’attentat commis sur Donald Trump n’est qu’un épisode dans un longue histoire américaine.
Tout repose sur ce fameux second amendement du Bill of Rights intégré dans la constitution américaine qu’on peut traduire par « déclaration des droits » :
« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé. »
La constitution américaine fut rédigée par les Pères fondateurs, à Philadelphie, un texte ratifié par beaucoup d’États. Il est immédiatement apparu que sa rédaction n’avait tenu compte que des institutions et de leur mécanisme. Certains États avaient réclamé l’introduction des droits à l’exemple du Bill of Rights anglais comme condition de rejoindre la fédération et reconnaître la constitution.
Tout avait commencé avec l’indépendance d’un territoire gigantesque qui fut une colonie anglaise. Les nouveaux citoyens voulaient à jamais combattre la tyrannie d’un pouvoir dominant qui, disaient-ils « portait des armes même dans une période de paix ». Ces divers États et communautés, par suspicion envers le pouvoir fédéral, souhaitaient la possibilité d’une défense par tout citoyen.
Pour les convaincre au ralliement, dix amendements constituant le Bill of Rights ont donc été rajoutés sous la présidence du Président Washington en 1791. Inévitablement le rapprochement est fait avec la déclaration de l’Homme et du citoyen de la révolution française qui est antérieure. On y trouve une certaine parenté dans le fond même si elle reste assez lointaine, surtout en considération du second amendement.
Depuis cette période le débat est rude et semble interminable sur l’interprétation juridique du second amendement. Dans la première partie, l’interprétation est que le droit de porter des armes est un « droit collectif », celui de la milice (il faut entendre par ce mot une armée).
Il s’agit d’une justification légale tout à fait habituelle dans le droit de la plupart des pays qu’on pourrait interpréter comme équivalente à la notion de « violence légitime de la force publique ».
Mais l’affaire n’est pas si simple car l’écriture du second amendement repose sur une juxtapositions de deux propositions, séparées par une virgule. La seconde phrase, « le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé » crée une grande ambiguïté car elle semble accorder un « droit individuel ». Et voilà pourquoi est né l’un des plus grands débats dans le droit américain.
Jamais les États-Unis n’ont pu sortir de cette controverse malgré plusieurs arrêts de la cour suprême. La jurisprudence de la haute Cour avance pas à pas en restreignant l’utilisation à certains cas puis revient par un autre pas dans un flou inextricable. En l’absence d’un consensus, les États-Unis essaient, bon gré mal gré, de naviguer entre ces deux doctrines. L’interprétation collective est celle de la sécurité militaire et policière, celle de l’individualisation, le droit de l’achat et du port des armes.
Personne autant que Donald Trump n’a défendu publiquement le second amendement. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est la caricature de l’Amérique ultra-conservatrice, l’Amérique profonde, celle qui se sent exclue par un déclassement. Celle qui s’accroche à un passé nostalgique en lui accordant des valeurs et droits mythiques en opposition avec la marche du temps.
C’est un comble pour un milliardaire qui doit tout au « système », totalement intégré dans le monde des affaires ouvertes au monde, et qu’il combat avec hargne en faisant de lui l’ennemi du peuple.
Cette population totalement hypnotisée par le discours de Donald Trump se sent l’héritière des valeurs historique de l’Amérique. Nul autre que l’un des plus talentueux populistes n’aurait pu aussi bien saisir l’occasion. Un populisme dont la doctrine première est de dénoncer « l’élite » comme l’ennemi intérieur. Le « deep state », le « négationnisme et le racialisme » sont le terreau de l’extrême droite américaine, Donald Trump est leur gourou.
Ainsi, on retrouve cette vielle revendication de la liberté de porter des armes parfaitement conservée par le second amendement. Il faut pouvoir se défendre contre le pouvoir de Washington, les nouvelles libertés sociétales qui remettent en cause les fondements de la religion et l’invasion des immigrants qui polluent le sang des américains (selon les termes de Donald Trump lui-même) et qui profitent de l’économie américaine à leur dépend.
À deux millimètres près, un très léger mouvement de la tête, et Donald Trump aurait perdu la vie. Quel extraordinaire destin d’un Président dont la balle d’un jeune homme autorisé à se procurer une arme de guerre aurait pu tuer celui qui est l’un des plus grands défenseurs du second amendement.
Quant à ce jeune homme dont l’article semble ne pas faire cas, il est la victime d’une histoire trouble que reprend à son compte Donald Trump. On dit qu’il était un garçon solitaire, très isolé, serait-il prisonnier de troubles mentaux ? Avait-il l’intention de sortir de l’anonymat que lui imposait sa solitude pour une exposition médiatique narcissique ? On dit également que le mobile ne semble pas être politique. On écarte avec raison une quelconque vengeance.
Au fond, qu’importe, que faisait ce gamin avec une arme de guerre, c’est peut-être la vraie question à se poser, Monsieur Trump. Il vous a blessé une oreille et permis de profiter d’une extraordinaire image d’invincibilité auprès de vos adhérents de la secte.
Le Matin d’Algérie