Cette charmante amphore, d’une hauteur de 39,5 cm et d’un diamètre de 21 cm, est pourvue de deux anses, d’un col long et d’un fond pointu. Elle est travaillée dans l’argile rouge, recouverte d’un engobe de couleur crème sur lequel ont été appliqués ces décors bleus associés à Malqatta et Amarna. Il s’agit d’un bleu, clair et doux, presque fragile, relevé de brun-rouge.
« Les vases peints retrouvés en grand nombre dans les palais de Malgatta possèdent un décor aussi raffiné que les peintures murales. Exécutés en poterie fine, ils se distinguent par leurs formes élégantes et leurs figures bleu clair se détachant sur un fond beige. Les détails sont généralement soulignés d’un trait fin de couleur noire ou brune » précise Christiane Ziegler (Reines d’Egypte).
Les anses sont peintes en bleu, des traits bruns ont été ajoutés afin de les identifier à un végétal .
Son décor se décline en trois « niveaux ». Sur le col court une frise de motifs en forme d’obus, pointés vers le haut. Sur le milieu de la panse, les motifs de forme quasi identiques, sont là, pointés vers le bas avec des éléments « intercalaires » plus petits. Ces ornements sont souvent rapprochés « des guirlandes de fleurs fraîches que l’on avait coutume de déposer sur les récipients ».
Le troisième motif se trouve sur l’épaule : il réside en la présence d’un animal couché dans un environnement végétal, riche et joliment reproduit, tiges et fleurs de lotus notamment. Il s’agit d’un ibex dont le corps, traité de façon plutôt naïve, presque enfantine, s’étire d’une anse à l’autre. Toute l’originalité réside dans le fait que sa tête se détache en relief, en plein centre. Ce protome est à la fois gracieux et très joliment réalisé : le visage de l’animal semble aux aguets, contrastant avec sa position alanguie. La pointe des cornes, cannelées et recourbées, rejoint le bord du col. Les oreilles sont beiges, striées de lignes brunes ; les yeux sont grands presque étonnés. Ils sont, tout comme les sourcils, les nasaux et la bouche matérialisés en brun ; le cou, légèrement renflé, est animé, à sa base, de lignes verticales brunes.
L’ibex que l’on trouvait dans l’Egypte antique est plus généralement connu sous le nom de bouquetin de Nubie. « Hôte des milieux désertiques, il a prospéré en Égypte pendant toute l’époque pharaonique. Aussi en rencontre-t-on de nombreuses représentations dans l’art égyptien. Bien reconnaissable grâce à ses imposantes cornes annelées et recourbées et à sa barbiche, son élégante silhouette se décline en courbes gracieuses » (Patricia Rigault, Catalogue de l’exposition « Des Animaux et des Pharaons »). Ainsi, on le retrouve régulièrement dans l’iconographie des objets de toilette, comme les peignes – bel exemple au Louvre -, ou, bien encore le flacon à onguent en calcite du trésor de Toutankhamon.
« Au cours du Nouvel Empire, gazelles et ibex devinrent étroitement associés à Anoukis, déesse de l’île de Sehel à proximité d’Assouan, mais aussi à Hathor. Sous la XVIIIe dynastie, les deux déesses se partageaient les mêmes caractéristiques, les mêmes attributs, les mêmes épithètes, et toutes deux figuraient dans les fêtes jubilaires d’Aménophis III. Puisque la majorité des jarres à vin figurées représentent Bès ou Hathor, la gazelle représentée sur nombre de ces vases constitue sans doute un lien supplémentaire entre Anoukis et Hathor » précise Arielle Kozloff dans « Aménophis III, le pharaon soleil ».
Cette amphore a été trouvée sur le site de Malqatta au cours de la mission 1910-1911 du Metropolitan Museum of Art de New York.
Christian Leblanc nous éclaire ainsi sur ce lieu : « La cité palatiale de Malqatta couvrait une très importante superficie : elle devait commencer là où se trouve le temple d’Aÿ-Horemheb au nord, et s’étaler jusqu’à Deir el-Chelouit au sud. C’était une véritable ville avec ses infrastructures, dont un immense lac (± 2,5 km de long x 1km de large), désigné sous le nom de Birket Habou, creusé artificiellement et alimenté par un canal venant du Nil. Cette structure aquatique, profonde de plus de 5 m, qui servait également de port, permettait l’alimentation en eau de la cité et pouvait, en certaines occasions, être également utilisée pour des cérémonies à caractère religieux. La ville fut fondée par Amenhotep III, peut-être bien avant son premier jubilé, comme semblent en témoigner certaines ‘étiquettes de jarres’ découvertes sur le site. La cour royale y vécut, entourée de ses dignitaires et de ses fonctionnaires ».
L’expédition du Metropolitan a fouillé le site pendant cinq saisons, de 1910 à 1921, sous la direction de Herbert Eustis Winlock. « Les membres de l’expédition égyptienne ont dégagé des sections du palais non excavées par Tytus et Newberry, et les restes de l’enceinte du palais qui n’avaient pas été détruits par les cultures. Ils ont également creusé et cartographié une grande partie de la zone environnante, y compris le Palais du Nord, plusieurs groupes de maisons privées, une usine de verre, une grande ‘salle des fêtes’ et un temple en briques crues dédié au dieu Amon » (en fait à Amon-de-Nebmaâtrê). L’endroit exact de la découverte de l’amphore est ainsi précisé sur le site du Met : « Palace of Amenhotep III, Atitu’s (rubbish) hole » ; il devait s’agir là d’un trou, d’une cavité, servant de « décharge », près du palais royal. Elle a, heureusement, été bien préservée, si ce n’est – indiquent les découvreurs – que « la tête de l’ibex s’était détachée, mais qu’elle a été retrouvée à proximité »… Une restauration réussie a pu lui redonner son aspect initial.
C’est à l’issue de la saison de fouilles 1910-1911, qu’elle est entrée, sous la référence 11.215.460, dans les collections du Metropolitan Museum of Art, ceci grâce à un don du Rogers Fund.
marie grillot