Pour documenter l’invasion russe, des internautes de partout scrutent le Web à la recherche d’informations. Une dynamique utile aux agences de renseignements traditionnelles, estiment des spécialistes.
Avant même que Vladimir Poutine annonce son « opération militaire spéciale » le 24 février au petit matin, heure de Moscou, des chercheurs d’un programme sur la non-prolifération des armes de l’Université de Middlebury, aux États-Unis, avaient détecté que les troupes russes massées près des frontières de l’Ukraine avaient quitté leurs campements. Leur source n’était pas un drone positionné en haute altitude, un satellite militaire ou des espions sur le terrain, mais plutôt… Google Maps, le service de cartographie et de navigation de Google.
À cause de soldats qui avaient allumé leur téléphone et de civils pris dans leur voiture derrière le convoi, les outils automatiques de Google ont détecté un bouchon de circulation près de l’autoroute E105 reliant la Russie à l’Ukraine.
Pour les chercheurs, aux aguets depuis quelques semaines, un embouteillage près d’un campement militaire russe à 3 h 15 du matin ne pouvait vouloir dire qu’une chose : les blindés avaient pris la route. « Quelqu’un est en train de se déplacer », a alerté sur Twitter le professeur Jeffrey Lewis.
L’analyse des données sur le trafic dans Google Maps représente un exemple de renseignement de source ouverte (de l’anglais OSINT, ou open-source intelligence). Le concept n’est pas nouveau, les États-Unis avaient mis en place le Foreign Broadcast Monitoring Service en 1941 pour surveiller la propagande à la radio des forces de l’Axe, mais il prend un tout autre sens avec les technologies modernes.
Les sources potentielles de renseignements ont après tout explosé depuis les bulletins radio du chef de la propagande allemande Joseph Goebbels pendant la Deuxième Guerre mondiale. « Tout le monde a un téléphone et prend des photos. Tout le monde peut maintenant être considéré comme un agent qui récolte des renseignements », explique, dans un balado, le fondateur de l’entreprise de renseignements IntSight Global et ancien général de l’armée de l’air britannique Sean Corbett.