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Pompidou est le deuxième président de la Ve République et un bras droit de Charles de Gaulle dont il a été le premier ministre pendant six ans. Infatigable défenseur du Gaullisme, on lui doit quelques belles joutes contre les partisans du parlementarisme de la IVe République.
C’est notamment le cas à travers cet échange avec Mitterrand au cours d’une séance à l’Assemblée nationale le 24 avril 1964 :
« Vous restez profondément fidèle à la conception de la IVe République qui mettait la totalité des pouvoirs dans l’Assemblée nationale et faisait du pouvoir exécutif une simple délégation consentie, pour un moment, par les groupes de l’Assemblée à un rassemblement hétérogène et passager baptisé « gouvernement ». L’événement a glissé sur vous sans laisser sa trace et, pourtant, il est jalonné par les désastres et quelquefois les déshonneurs que nous a valus l’incapacité fondamentale à laquelle on se condamne en prétendant fonder l’État et la politique de la France sur les divisions (…) Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Sur les rives paisibles de l’opposition, comme les émigrés de l’Ancien Régime sur les rivages de l’Angleterre (…) l’avenir n’est pas à vous, l’avenir n’est pas aux fantômes. »
On résume souvent le passé de Pompidou à son passage au sein de la banque d’affaire Rothschild.
Cette vision réductrice fait l’impasse sur des pans entiers de sa vie qui sont pourtant déterminants sur l’homme.
Né dans le Cantal à Montboudif en 1911, il est le fils de deux instituteurs, son père exerçant à Albi.
Authentique produit du terroir français, Pompidou a lui même une carrière de professeur de français, latin et grec de 1935 à 1940.
Il est mobilisé pendant la campagne de France de 1940.
Son régiment prenant part notamment aux combats de la Somme (dans ses mémoires inachevées, il tire à boulet rouge sur l’état major qu’il juge entièrement responsable de la défaite).
Il entre dans la Résistance, puis sert dans la haute administration à la Libération (notamment au Conseil d’État).
En septembre 1944, il obtient un poste de chargé de mission pour l’Éducation nationale au cabinet de Charles de Gaulle, alors président du Gouvernement provisoire de la République française.
Il le sert fidèlement pendant plus de vingt ans : il dirige le cabinet de de Gaulle jusqu’en 1953 alors que ce dernier n’a plus de fonction gouvernementale officielle.
En 1958, Pompidou devient le directeur de cabinet de Charles de Gaulle, puis son premier ministre de 1962 à 1968.
Avec les années, il gagne en confiance et n’hésite pas à reprendre de Gaulle en plein Conseil des ministres sur les sujets budgétaires et financiers qu’il considère être son pré-carré (Pompidou et Giscard sont alors régulièrement en concurrence sur ce point).
La rupture avec de Gaulle est consommée sur l’autel de mai 68.
De Gaulle est partisan d’une réaction frontale et forte de l’État visant à instaurer « la participation » à tous les étages : création des régions, remplacement du Sénat par un Conseil économique et social y associant les citoyens, participation salariale dans le capital des entreprises.
En tant que libéral chimiquement pur, Pompidou s’y oppose.
Il lâche de Gaulle en juillet 1968 (dans ses mémoires il s’en défend, assurant que c’est de Gaulle qui l’a congédié) et n’apporte pas un franc soutien au référendum d’avril 1969 (il est présent aux meetings mais ne prend pas la parole pour défendre le projet gaulliste).
Pompidou se prépare aux présidentielles qui arrivent de manière anticipée les semaines suivantes, après le référendum perdu par de Gaulle.
Entrant dans ses fonctions de président de la République le 20 juin 1969, il cherchera à poursuivre l’œuvre de réforme de de Gaulle en y apportant sa touche libérale.
On lui doit également quelques décisions discutables, comme celle de lever le veto gaulliste à l’entrée du Royaume-Uni au sein de la Communauté européenne. L’Histoire donnera raison à de Gaulle sur ce point quarante-sept ans plus tard.
Pompidou est le seul, avec de Gaulle, à arborer sur sa photo officielle les ornements d’apparat de la présidence de la République : le collier de Grand Maître de l’Ordre de la Libération pour de Gaulle, celui de Grand Maître de la Légion d’Honneur pour Pompidou.
Giscard d’Estaing est le premier à refuser de les porter, officiellement dans le but de dépoussiérer le protocole.
Depuis cette date, tous les successeurs de Giscard lui ont emboîté le pas. Une manière pour eux de reconnaître inconsciemment qu’ils n’ont pas les épaules pour la fonction.