La statue couchée de Ramsès II à Memphis


Bien que couché, gisant mutilé, Ramsès II – qui a régné sur le Double Pays pendant soixante-six années, maître en matière militaire mais aussi homme de paix, grand bâtisseur de la Nubie au Delta -, a gardé toute sa splendeur, toute sa majesté… Son sourire serein, empli d’éternité, continue à éclairer son royal visage…


A l’origine, cette statue « colossale » mesurait 13 m ; mais, privée ensuite de sa partie inférieure, elle n’en fait « plus que  » 10. Elle est sculptée, avec une extrême précision, dans un calcaire siliceux.
Les détails de la sculpture sont d’une finesse remarquable : du modelé du visage aux détails de l’anatomie, du dessin de l’ongle du pouce au plissé du pagne, du lobe de l’oreille au renflé du genou, tout semble d’une perfection totalement aboutie. Elle constitue très certainement l’un des beaux témoignages du grand savoir-faire et du degré d’excellence qu’avaient atteint les sculpteurs de la XIXe dynastie.


Le pharaon porte les attributs de sa fonction : il est coiffé du némès surmonté du pschent – en partie cassé -, l’uraeus sur le front, et la barbe postiche.


Les yeux sont étirés, le nez bien dessiné… et que dire du sourire sinon que sa sérénité, immuable, fascine…


À son cou est accroché un pectoral que Jean-François Champollion détaille ainsi : « Le collier est à sept rangées, terminé par un rang de perles. Deux cordons soutiennent un riche pectoral, dont la corniche est surmontée d’une rangée d’uraeus, la tête ornée du disque. Au centre du pectoral, une composition anaglyphique, présentant le prénom de Rhamsès le Grand comme protégé par deux divinités en pied : Phtha et son épouse la grande Léontocéphale, les deux principales divinités de Mêmphis ».


Des cartouches sont également reproduits, sur l’épaule droite, de même que sur les bracelets où l’on peut lire les noms d’intronisation et de naissance.


Il porte le pagne plissé shendjyt ; le poignard à deux têtes de faucon est glissé dans la ceinture qui est, elle aussi, ornée d’un cartouche en position horizontale.


Il tient dans sa main droite aux doigts serrés, pouce en avant, le rouleau mekes (papyrus contenant le « testament des dieux  » ou « testament de Geb « , texte confiant l’Égypte au roi) estampillé également d’un cartouche.
Les genoux sont marqués ; le bas des jambes est manquant de même que les pieds et le socle sur lequel reposait la statue.
Jean-François Champollion nous renseigne également sur ce qu’un regard non averti ne peut voir ou interpréter :

« Sur l’appui de la statue, mais intérieurement, vers la jambe gauche, existent la tête et une partie du corps d’un jeune prince, dont le titre est encore visible, il est coiffé à l’Horus. On voit sur l’appui de la jambe droite, extérieurement et en relief, le bras de la reine appuyé sur le milieu du mollet du colosse. On y lit encore les titres de la princesse ».


Dans « L’Egypte restituée « , Sydney Aufrère et Jean-Claude Goyon indiquent que la statue se trouvait à l’entrée du temple de Ptah, « Dans l’axe de la ville, approximativement là où devait se trouver l’entrée, s’élevaient deux colosses de Ramsès II « .


Dans son ouvrage « Ramsès II », Claude Obsomer nous apporte ces intéressantes précisions : « C’est à proximité du pylône disparu, du côté oriental, que Caviglia et Sloane découvrirent en 1820, couché face contre terre, le grand colosse de Ramsès II en calcaire … La base de ce colosse et les pieds du roi n’ont pas été conservés, de même que les noms des figures secondaires gravées de part et d’autre… On ignore s’il se dressait seul devant le pylône méridional de l’enceinte de Ptah ou s’il avait un jumeau aujourd’hui disparu « .


Giovanni Battista Caviglia, de Gênes, qui était « arrivé en Égypte sur un navire marchand dont il était capitaine y fit bientôt des fouilles importantes « . Après avoir travaillé sur le site de Gizeh avec le consul général Henry Salt, on le retrouve à Memphis où il fouille pour le consul anglais au Caire, Charles Sloane. La statue sera ensuite offerte au Gouvernement britannique, qui envisage dans un premier temps de la transporter vers Londres. Mais son poids – estimé à plus de 1000 tonnes ! – constitue bel et bien un obstacle pour mener une telle entreprise.


Des solutions, pour le moins discutables sont proposées. John Shae Perring, un ingénieur qui est intervenu aux Pyramides de Gizeh, a proposé de le mettre à bord d’un navire à Alexandrie « pour une somme ne dépassant pas 600 livres sterling ». Edward Hawkins (1780-1867), a déclaré « qu’il n’y avait rien d’intéressant sur la statue en dessous de la draperie (pagne) autour du corps, de sorte qu’en coupant les jambes fracturées, la difficulté de l’enlèvement pourrait être diminuée. Et l’objet ainsi réduit en hauteur pourrait alors être admis entre les murs du musée ». (Jason Thompson, Les choses merveilleuses, vol. 1, AUC, 2015).


La raison a-t-elle triomphé « en conscience » ou « à cause » de la difficulté de l’entreprise ?
Toujours est-il que le colosse de Ramsès II n’a pas subi cette terrible mutilation qui aurait constitué non seulement une violation de son intégrité mais aussi un non-respect inacceptable. Toujours est-il que la statue est restée dans la capitale memphite…


Comme l’expliquent les informations affichées « in situ » : « Plusieurs tentatives ont été entreprises par diverses personnes pour extraire et retourner le colosse. Mais ce n’est qu’en 1887 que A.H. Bagnold, un ingénieur de l’armée britannique, a réussi à soulever le colosse et à le déplacer vers son emplacement actuel. Pour ce faire, il utilisa un système de poulies et leviers. Imaginez à quel point l’opération était difficile … Pour protéger la statue après son déplacement, une structure de brique séchée a été construite autour d’elle, avec une plate-forme d’observation ».


En 1958, le Service des Antiquités l’a remplacée par un bâtiment en béton. Si son esthétique n’est certes pas à la hauteur du grand souverain « bâtisseur et promoteur des arts » comme le qualifie Christian Leblanc, du moins permet-il, depuis sa coursive supérieure, de pouvoir admirer chaque détail de sa sublime représentation.
marie grillot

Komla
Komla

Je me nomme AKPANRI Komla, historien de formation, arbitre fédéral. Le journalisme est une passion pour moi plus précisément le journalisme sportif puisque je suis un sportif. Ayant fait une formation en histoire, j'aborde aussi des questions politiques, sociales et culturelles

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