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Les océans n’ont jamais été aussi chauds qu’en ce début avril 2023, et cette chaleur record s’inscrit dans une tendance durable qui inquiète les chercheurs. Cette anomalie de la température des océans est généralisée et aura des conséquences sur le climat terrestre des prochains mois.
Depuis le 12 mars, la température moyenne de surface des océans du globe a atteint la barre symbolique des 21 °C, et a même réussi à s’élever jusqu’à 21,1 °C temporairement entre le 1er et le 6 avril. Du jamais-vu depuis les premiers relevés fiables qui datent de 1981.
« À l’échelle du globe, on peut dire que l’océan est en feu quasiment partout », constate Alban Lazar, chercheur au laboratoire Locean (IPSL) et maître de conférences à la Sorbonne Université. « Mais ce n’est pas une nouveauté, c’est une tendance qui se confirme d’année en année et ce réchauffement des mers et océans avait bien été prédit par tous les modèles de prévision climatique », précise le chercheur. Rappelons que, lors de l’été 2022, « la mer Méditerranée affichait déjà une anomalie de +6 °C ».
Un record de chaleur dans l’Atlantique Nord alors qu’il devrait être à son niveau le plus froid
Mais même si la hausse des températures des océans étaient bien prévue, un tel niveau de chaleur à la surface des océans reste complètement inédit, comme l’explique Juliette Mignot, océanographe, spécialiste des variations climatiques et également membre du laboratoire Locean : « La chaleur est généralisée dans les océans si on compare à la moyenne des 30 dernières années, le record d’avril n’est pas dû à une région particulière, même si on voit déjà un très fort réchauffement dans le Pacifique tropical est. La température de l’océan Atlantique Nord est aussi à un niveau record, alors qu’elle devrait être à son niveau le plus froid à cette période de l’année, après l’hiver ».
Mais comment expliquer que toutes les courbes des dernières années atteignent leur pic, sans cesse dépassé, en mars-avril ? « C’est la fin de l’été dans l’hémisphère Sud et c’est la zone qui a la plus grande surface océanique. Ces océans ont eu tout l’été pour se réchauffer et cela explique que les océans soient chaque année relativement chauds en avril », précise Juliette Mignot.
Une chaleur anormale avant même l’arrivée du phénomène réchauffant El Niño
Double inquiétude cette année, le réchauffement climatique qui continue de s’intensifier, mais en plus, le retour quasiment certain du phénomène climatique El Niño qui a un effet réchauffant sur le climat mondial : « La température moyenne est déjà au plus haut alors que l’on sort de l’hiver, donc si nous avons déjà un excédent de +0,2 °C, alors même que le phénomène El Niño n’est pas encore vraiment installé, on peut s’attendre à une très forte anomalie l’hiver prochain, peut-être +0,5 °C, ce qui serait énorme ».
En avril 2022, à la même époque, les courbes montrent qu’une très forte anomalie chaude était déjà présente. Ce qui change cette année, et qui est probablement en partie responsable de ce nouveau record, « ce sont certainement les prémices d’El Niño qui se mettent en place » selon Juliette Mignot. Mais qu’il s’agisse d’une année El Niño ou bien d’une année La Niña (son homologue froid, avec un pouvoir refroidissant sur le climat), ces 20 dernières années, « aucune courbe ne se situe dans une anomalie froide ».
Cette chaleur historique des océans, liée au réchauffement climatique, aura des conséquences majeures, dans l’eau en perturbant évidemment tous les écosystèmes marins, mais aussi sur Terre comme le précise la chercheuse : « On perd le rôle tampon de l’océan dans le climat global : il fait office de tampon sur nos saisons, donc sans ce rôle qui atténue la chaleur ou le froid, on se dirige vers des saisons plus extrêmes. Jusqu’à maintenant, l’océan était plutôt un allié de l’Homme dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais se réchauffant trop, il perd ce rôle. En plus, il absorbe moins le gaz carbonique issu de nos activités ».
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