Longtemps isolée, la République Islamique d’Iran semble être plus que jamais une puissance incontournable au Moyen-Orient, malgré les multiples tentatives des Etats-Unis et de leurs alliés européens et arabes de briser son aire d’influence. Les tractations diplomatiques sous Trump, la sortie de des Etats-Unis de l’accord nucléaire de Vienne et les multiples sanctions désastreuses n’ont pas eu les effets escomptés. Par contre les gains territoriaux de l’Iran ont été consolidés en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen.
Irak
Depuis l’ère Palhavi, l’Irak occupe une place important dans la stratégie iranienne de domination du Moyen-Orient. En plus de partager une frontière commune, les deux peuples partagent les mêmes cultures, les mêmes langues et la même religion : l’islam chiite. Avant l’ère Saddam, l’Irak abritait une grande diaspora iranienne. La plupart des ayatollah irakiens ont des descendants de religieux iraniens. C’est le cas de l’Ayotallah Ali Sistani et Moqtada Al-Sadr. Durant le régime du part Bath, les dissidents irakiens ont été tous hébergés en Iran. Le CSRII (Conseil Suprême pour la Révolution Islamique en Irak). La chute de Saddam Hussein a donné une occasion inespérée à stratèges de la République Islamique de renforcer leur emprise sur le pays. Pour cela, Pasdarans ont misés sur un éventail de milice pour affaiblir la présence américaine. Le Hezbollah libanais, l’armée du Mahdi, Al Nujaba … Les milices se succèdent et se recomposent. Après plusieurs gains électoraux engrangés, les élections législatives, au lendemain des mouvements citoyens, semblent montrées un essoufflement de l’influence iranienne auprès des irakiens lambda. Cependant, la défaite électorale ne veut pas dire la fin de l’influence iranienne en Irak. Sur le plan militaire, les milices chiites restent le seul rempart solide face à la résurgence de L’EI. La tentative d’assassinat du Premier Ministre Moustapha Al-Khazemi en est une illustration parfaite. Il s’agit de montrer aux chancelleries occidentales que l’Iran peut agir quand il veut où il veut en Irak si ses intérêts sont menacés.
La Syrie
Les liens entre l’Iran et la Syrie datent au début de 1979. La Syrie a été le seul allié arabe de la république Islamique durant l’invasion irakienne. Les deux pays coopèrent militairement depuis la guerre du Liban. La Syrie a été la plateforme logistique et militaire du soutien iranien au Hezbollah. Le déclenchement de la guerre civile en 2011 a été une occasion pour l’Iran de renforcer son accès au méditerranée orientale. Après la répression de la révolution pacifique au Bahreïn par pays du golfe Persique au vu et au su des chancelleries occidentales, les gardiens de la révolutions islamiques voyaient les printemps arabes comme un moyen des Etats-Unis de défaire les régimes hostiles à leurs intérêts. Dès lors, une intervention directe en Syrie devenait de plus en plus plausible. Sous houlette de Quassem Souleimani, le déploiement d’un contingent des pasdarans a permis l’armée syrienne de reprendre une grande partie des territoires aux mains des terroristes, grâce à l’appui aérien russe. En vue de consolider sa présence, le remake du scénario irakien a été parfaitement déroulé sur le terrain syrien. En effet, cette stratégie consiste à proliférer des milices chiites et faire basculer l’équilibre confessionnel dans les secteurs clefs notamment à la frontière libanaise et israélienne. Plus encore, l’installation de bases militaires et de rampes de lancement balistique ont contribué à renforcer l’encrage militaire iranien en Syrie. La montée en puissance de l’Iran est devenue un sujet de préoccupation non seulement pour les monarchies arabes, mais aussi pour l’Etat hébreu. Israël voit l’installation de milices chiites à proximité de ses frontières comme une ligne rouge. Le Tsahal n’hésite pas à bombarder des convois et des bases militaires syriens. Aujourd’hui, l’Iran semble être plus que jamais un interlocuteur incontournable dans le dossier syrien, après la Russie de Poutine. Ses forces restent la chenille ouvrière des offensives de l’armée Arabe Syrienne.
Le Liban
La présence iranienne au Liban date de 1980. Dans sa vision d’exportation de la révolution Islamique iranienne dans le monde Arabe, le Liban occupait une place importante, de par sa population chiite. Les Pasdaran ont contribué au financement et l’entrainement du Hezbollah que l’ayatollah Montazeri considérait comme « une créature divine ». Le Hezbollah a été un acteur important du retrait israélien du Liban et de la dissolution définitive de l’armée du Sud Liban. Le retrait syrien après l’assassinat de Rafiq Hariri a placé le Hezbollah comme un mandataire de la République Islamique au Liban. Certaines sources soupçonnent l’Iran d’avoir piégé Bachar Al-Assad, un néophyte à l’époque, au profit du Hezbollah. En 2020, le mouvement chiite avait été contesté par la rue libanais. L’explosion du port de Bayrouth et la situation économique chaotique qui s’ensuit ont fini par plonger le pays du cèdre, « la suisse » du Moyen-Orient à l’âge de pierre. Face aux exigences de reformes américaines et françaises jugées utopiques par la classe libanaise, le Liban semble plus que jamais au bord du précipice. Si les partenaires occidentales et arabes ne font aucun effort pour aider le Liban, il est fort probable que le Liban basculera aux mains du Hezbollah. L’envoi de Cargo remplis de fioul par l’Iran pour aider le pays du Cèdre à remédier est un signal clair des ambitions iraniennes. Par ailleurs, les récentes sanctions économiques de l’Arabie saoudite, l’accélération du Gazoduc Egypte- Liban et les prêts de la FMI sous bénédiction américaines sont autant de facteurs qui montrent le bloc occidental et arabe ne laisseront pas le Liban devenir un protectorat iranien.
Le Yémen
L’influence de l’Iran au Yémen est récente ; elle date des années 1990. Le Yémen occupe un point sensible au carrefour de l’océan indien d’où l’intérêt de l’Iran pour ce pays. En effet, les iraniens ont misé sur les Houthis, des chiites zaydites, une branche différente du chiisme duodécimain pratiqué par les iraniens. Les Zaydites et les duodécimains partagent les cinq premiers imams, c’est pour cela qu’on les surnomme les « Fivers ». Le conflit entre l’Arabie Saoudite et les Houthis date de 2004. Ce conflit meurtrier s’est soldé par la mort du père de Abdel MaliK Al Houthis. Dans le sillage des printemps arabes et la faiblesse du gouvernement SALEH, les houthis ont profité du chaos pour conquérir la majeure partie du Yémen « utile ». Cependant, le basculement de « l’Arabie Heureuse » dans le camp pro-iranien était vu comme une humiliation. Le prince Mohamed Ben Salman décida alors de lancer l’opération Tempête décisive. Six années après les houthis sont toujours au pouvoir. Plus encore, ils sont en passe de contrôler Mari’ib, une région riche en hydrocarbures. Le refus saoudien de la participation iranienne aux pourparlers sur le Yémen reste le principal obstacle à la fin des hostilités. Une fois de plus, l’Iran reste incontournable dans la région.
l’Afghanistan en ligne de mire ?
Après le retrait américain d’Afghanistan, la Chine, Russie, la Turquie et le Qatar sont considérés comme des acteurs qui joueront probablement un rôle prépondérant dans l’Afghanistan sous le joug des talibans. Cependant, le rôle de l’Iran est en majeure partie sous estimé par beaucoup de spécialistes.
Comme en Irak, au Yémen, au Liban, l’Afghanistan abritent une importante population chiite minorité chiite connue sur le nom des hazaras. En 2015, la mise en place d’une milice chiite Hazaras par les gardiens de la révolution islamique s’inscrivaient dans le cadre d’une politique hégémonique de l’Iran au Moyen-Orient.Cette force forte de 3000 hommes aguerris et entraînés en Syrie
montre que l’Iran pourra jouer prochainement un rôle important dans le jeu afghan. Elle peuvent être utilisée comme outil de pression ou d’influence, en fonction des intérêts de Téhéran.
Plus encore, l’Iran abrite la plus grande disapora afghane au monde, plus de 3 millions de réfugiés. Harat, la ville la plus occidentale d’Afghanistan, aujourd’hui, n’est qu’une extension de l’Iran. Femmes en Tchador, bazars, husseyniyeh, produits iraniens, on se croirait même en pleine Perse au cœur de l’Afghanistan. N’oublions pas qu’en 2001, les iraniens ont été les architectes de la prise de Kaboul par l’Alliance du nord du commandant Massoud notamment l’appui décisif de l’aviation américaine.
En somme, la République islamique d’Iran a toutes les cartes pour faire valoir ses arguments dans l’Afghanistan des talibans
Quid l’Iran est omniprésent dans tous les conflits ?
L’influence de l’Iran telle qu’on le voit aujourd’hui découlent immédiatement de plusieurs erreurs des interventions étrangères. L’Iran ne profite pas des occasions, mais il les saisit. La chute de Saddam en 2003 a servi de leçons aux décideurs iraniens ; Saddam est tombé parce qu’il n’avait pas d’alliés régionaux. Aujourd’hui, la prolifération des milices permet à l’Iran d’atteindre deux objectifs : se défendre en cas d’attaques américaines et affaiblir ses ennemis région
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