Poursuivis pour «abus de fonction», «détournement et dilapidation des deniers publics» et «passation de marchés en violation de la loi», les deux anciens ministres de la Solidarité, Djamel Ould Abbès et Saïd Barkat, ont comparu mardi dernier devant la chambre pénale près la cour d’Alger.
Leur audition n’a pas élucidé les conditions dans lesquelles quatre associations ont servi d’intermédiaires, l’achat d’acquisitions pour un montant de plus 18 milliards de dinars, présentés par l’enquête comme «pertes sèches». La défense a plaidé la relaxe, le verdict sera connu le 24 mai 2022.Les deux anciens ministres de la Solidarité, Djamel Ould Abbès (1999-2010) et Saïd Barkat (2010-2012), ont comparu pour la seconde fois, mardi dernier, en appel devant la chambre pénale près la cour d’Alger.
Les faits concernent «un détournement de fonds» destinés à la Solidarité, estimés par l’enquête judiciaire à 18,5 milliards de dinars, dont une grande partie a été versée à des associations, parmi lesquelles trois présidées par Ould Abbès, pour servir d’intermédiaires dans l’achat d’un millier de microbus et autant d’ordinateurs. Mais pas que.La justice reproche aux ex-ministres d’avoir aussi permis l’utilisation du reliquat du fonds, destiné au camp de vacance de la wilaya de Boumerdès, pour l’achat de véhicules, au lieu d’être restitué.Djamel Ould Abbès est le premier à être appelé à la barre. La présidente : «Vous avez signé des conventions avec quatre associations, parmi lesquelles les trois que vous présidez. Vous savez que cela est illégal ?»
Ould Abbès : «Ce sont des associations comme les autres. Rien ne l’interdit.» La juge : «Vous n’avez pas le droit de donner des sommes aussi importantes, soit plus de 18 milliards de dinars, à des associations sans aucun lien avec la solidarité.»
Ould Abbès : «Toutes les conventions avec les associations ont été signées dans la légalité. Nous avons fait appel à elles parce que les concessionnaires refusaient de traiter avec les institutions de l’Etat.» La juge : «Mais quatre associations avaient bénéficié des plus importants montants, dont celles que vous présidiez ?» Ould Abbès : «5 ou 6 seulement ont signé pour servir d’intermédiaires dans l’achat des bus scolaires. Ces opérations entraient dans le cadre du programme de dotation des communes défavorisées et dépourvues de transport scolaire, d’aide aux personnes âgées et aux femmes divorcées.»
La juge : «Ces associations n’avaient aucun lien avec la solidarité.» Ould Abbès : «Il y avait urgence. Des images terribles étaient diffusées par les chaînes de télévision montrant des enfants qui ne pouvaient pas rejoindre les écoles.» La juge : «Cet argent est parti en fumée…» Ould Abbès : «Ce n’est pas vrai. Nous avons assuré le transport scolaire à plus d’un million d’écoliers.» La juge : «Aucun document ne le prouve. Les bus ne sont pas arrivés à leur destination et ceux qui sont arrivés étaient dans un piètre état.» Le prévenu : «Les documents sont au ministère. La Cour des comptes n’a rien relevé d’illégal.» Des PC pour les bacheliers et… les journalistes, les diplomates et les fonctionnaires.
La juge évoque le versement d’un fonds de 120 millions de dinars à une association, pour l’organisation d’un camp de vacances à Boumerdès au profit des enfants du Sud, et dont le reliquat a servi pour l’achat de véhicules. «Le problème s’est posé dans la wilaya de Boumerdès où une somme de 13 millions de dinars n’a pas été dépensée. Elle a été utilisée pour l’achat de véhicules utilitaires», explique Ould Abbès. La juge passe à l’affaire de l’acquisition des 1200 ordinateurs destinés aux lauréats du bac (2008), mais qui ont été détournés au profit d’autres catégories (journalistes, diplomates, hauts fonctionnaires et leurs enfants).«Nous avions acquis 1000 PC pour les lauréats, dont 989 ont été versés au ministère de l’Education, lesquels avaient été distribués par le président de la République. Le Premier ministre a demandé 200 autres, distribués aux handicapés et aux sportifs qui ont hissé les couleurs nationales aux Jeux paralympiques et aux footballeurs qui revenaient de Oum Durman, au Soudan.» Acculé par la juge, Ould Abbès lâche : «Je n’ai pas dilapidé les fonds publics. Tout ce que je faisais c’était pour préserver la paix sociale.» Appelé à la barre, Saïd Barkat refuse d’être considéré comme fonctionnaire de l’Etat.
La juge : «Vous signez des conventions avec deux organisations estudiantines auxquelles vous versez 120 millions de dinars. Est-ce normal ?» Barkat : «Elles ne sont pas les seules. Il y en a eu d’autres.» La juge : «Sur quelle base affectez-vous des fonds à l’ONEA (Organisation nationale des étudiants algériens) ?»Le prévu : «Nous ne l’avons pas subventionnée. Elle a été choisie pour acheter.» La juge : «C’est une opération commerciale, pourquoi la confier à une organisation estudiantine ?» Le prévenu : «La loi nous permet de faire appel à des intermédiaires. Nous en avons 14, dont l’ONEA, qui n’est pas un syndicat.C’est une association qui travaille avec tous les ministères. Elle a été chargée d’acheter des équipements scolaires, des bus et des produits alimentaires. Le montant de 120 millions de dinars a été arrêté par le gouvernement pour une durée de 3 ans.»
Pour ce qui est du dossier des microbus, il explique qu’il l’a trouvé pendant sur son bureau en 2010 et «n’a pu s’achever qu’en 2015, alors que de nombreux bus avaient perdu de leur valeur». Pour Barkat, sa «mission consiste à arrêter l’opération et son montant. L’exécution relève du secrétaire général». Les auditions se sont poursuivies avec huit autres prévenus, dont deux secrétaires généraux du ministère, le chef du protocole et les responsables de quatre associations objets de poursuites. La défense a plaidé la relaxe pour l’ensemble des mis en cause. Le verdict sera connu le 24 mai.