Les piqûres rebutent bien plus les gens que les pilules, surtout lorsqu’il s’agit de prévenir une maladie qu’on n’a pas encore. Les raisons sont à la fois historiques et psychologiques.
Alors que la plupart des gens avalent sans crainte des dizaines de gélules de compléments alimentaires ou de Doliprane, ils prennent peur à la simple vue d’une aiguille. La raison de cette différence est à chercher dans notre passé. En effet, les Hommes utilisent depuis des millénaires des remèdes à base de plantes, à boire en décoction ou à appliquer sur la peau en cataplasme. Les plus anciennes preuves d’usage de plantes médicinales remontent à 370.000 ans chez Homo erectus, et le plus ancien guide de recettes médicinales est une tablette d’agile de Mésopotamie datée de 2.400 ans avant J.-C.
Le vaccin, une invention relativement récente
Par comparaison, l’idée d’injecter une substance à travers la peau est relativement récente. « Historiquement, le fait de percer la peau est plutôt lié aux lances ou aux balles de fusil, qui sont destinées à blesser », atteste l’archéologue Monica L. Smith. Certaines techniques invasives comme la trépanation, l’acupuncture ou les amputations ont bien été testées, mais avec peu de succès. Mais pratiquer une injection pour prévenir une maladie alors qu’on n’est pas encore malade est percé comme encore plus risqué. La première inoculation contre la variole remonte au début du XVIIIe siècle, qui consistait la plupart du temps à acheter quelques croûtes ou du pus à une personne souffrant de variole naturelle, puis à perforer la peau avec l’aiguille contaminée. La première seringue hypodermique (servant à administrer les vaccins) a, elle, été inventée dans les années 1850.
“Pendant longtemps, les Hommes ont été plus préoccupés par la guérison des maladies plutôt que par la prévention”
De plus, « pendant longtemps, les Hommes ont été plus préoccupés par la guérison des maladies plutôt que par la prévention, dans un contexte où il existait des dangers bien plus importants, rappelle Monica L. Smith. Ajouter un inconfort perçu comme inutile [la piqûre] ne faisait alors pas vraiment sens ». Enfin, alors que les effets d’un médicament sont perceptibles quelques minutes ou quelques heures seulement après la prise, les effets d’une injection sont souvent étalés dans le temps, ce qui n’aide pas à en estimer les bénéfices.
L’effet psychologique des pilules
Une autre distinction entre vaccin et médicament tient au fait que l’on prend des médicaments de façon autonome, alors que l’injection doit être pratiquée par un tiers, le plus souvent un inconnu. Avec les médicaments, il est aussi possible de jouer sur un effet psychologique, avec des formes et des couleurs variées. Une étude du BMJ montre ainsi que pilules bleues et vertes sont associées à un effet « calmant », tandis que les comprimés jaunes ou orange sont utilisés pour améliorer la concentration ou le dynamisme. Un « marketing » impossible à appliquer aux vaccins, qui sont la plupart incolores et sous forme liquide.
Vaccins en spray, en patch ou en gélule
Plutôt que d’aller à l’encontre de nos réticences naturelles envers les piqûres, les fabricants de vaccins essayent de trouver de nouveaux modes d’administration moins invasifs. Les vaccins contre la polio ou la fièvre typhoïde sont ainsi déjà disponibles sous forme orale, et le vaccin contre la grippe saisonnière existe sous forme de spray nasal. D’autres formes sont encore envisagées, comme des patchs munis de micro-aiguilles ou des tablettes à dissoudre sous la langue. Des vaccins qui présentent en plus l’avantage de se conserver à température ambiante, d’être distribués facilement en pharmacie et qui coûtent moins cher qu’en seringues !
Futura-Sciences