La semaine dernière, le journaliste togolais, directeur du journal l’Alternance, Ferdinand Ayité, malgré qu’il est exilé en Afrance a été récompensé aux États-Unis pour son engagement en journalisme d’investigation. Lors de la cérémonie, le togolais dans son message, saluer la mémoire de son confrère, frère et ancien co-détenu, Joël Egah, décédé après quelques mois de leur détention.
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« Distingués invités, Mesdames, Messieurs, chers confrères.
Lorsque tu viens d’un pays comme le mien, facilement classé parmi ceux qui peuvent susciter peu d’intérêt sur le plan international, tu es toujours ému de te retrouver à des tribunes pareilles. Évidemment ému par le prestige d’y être; mais surtout par le fait que tu prends conscience que ta vie et ta sécurité et celles d’autres confrères de ton pays et des localités similaires sont reconnus et portés au même niveau que celles d’autres journalistes d’ailleurs.
C’est pour cela que, je serai toujours reconnaissant au Comité pour la Protection des Journalistes de tout le soutien qu’ils apportent aux journalistes partout dans le monde, y compris dans des endroits qui pourraient paraître lointains, isolés, désespérés et susceptibles d’être facilement oubliés ou négligés. Venant du Togo, un pays d’Afrique de l’Ouest où sévit la plus vieille dictature en Afrique, je suis témoin des fruits de l’engagement de CPJ pour une presse libre à travers le monde. Ce travail ne doit nullement s’arrêter.
Messieurs et dames, ma conviction est qu’on ne devrait laisser nulle part sur cette terre où prospère des îlots de non-droit et de dictature, parce qu’il serait loin de nous. Comme une pandémie ou un cancer, cela finit par se répandre et contaminer d’autres localités et régions.
Ayant inauguré les coups d’Etat en Afrique, dès 1963, trois ans seulement après son indépendance, le pouvoir au Togo est devenu aujourd’hui l’allié principal des régimes militaires liberticides qui foisonnent désormais en Afrique. Le régime transforme le pays en un bastion régional des propagandes géopolitiques et des manipulations de masse avec des discours dits de panafricanisme, pendant qu’il étouffe toute divergence et les médias indépendants sur son territoire.
Je voudrais également envoyer un message de solidarité à tous les journalistes indépendants du Togo qui travaillent dans des conditions assez difficiles. Je pense en ce moment aux confrères Loic Lawson et Anani Sossou actuellement en détention. Qu’ils reçoivent mon soutien.
Depuis cette tribune, je voudrais avoir une pensée particulièrement pour les membres de ma rédaction, aujourd’hui sans travail, parce que les deux premiers responsables, le Rédacteur en Chef et moi-même le directeur, sommes contraints à l’exil avec pour conséquence la suspension des parutions.
D’ici je voudrais saluer particulièrement la mémoire d’un confrère, frère et ancien co-détenu, Joël Egah.
Lui et moi avons été injustement arrêtés et jetés en prison fin 2021 sous le fallacieux prétexte d’“outrage à des autorités”. Ces dernières ont mobilisé tout l’appareil d’Etat pour nous anéantir. Après des semaines passées avec moi en détention, Joël Egah, est décédé brusquement le 09 mars 2022, dans des conditions troubles. Je m’incline ici devant sa mémoire et renouvèle mes condoléances à sa famille.
Je pense à tous les journalistes africains actuellement sous menace, particulièrement ceux des pays du Sahel, Mali, Burkina et Niger, qui sont constamment sous la menace non seulement des dirigeants mais aussi des groupes autoproclamés patriotes qui s’en prennent à toute voix qui ne reprend pas les narratifs des régimes militaires au pouvoir. Comment oublier notre confrère Stanis Bujakera Tshiamala, privé de liberté depuis plusieurs semaines en République Démocratique du Congo. Eux tous ont besoin de notre soutien, dans une région où la situation sécuritaire se dégrade continuellement.
Je ne peux finir sans avoir une pensée profonde pour tous les journalistes tués depuis le 7 octobre au Moyen Orient.
Permettez-moi, avant de finir, d’avoir une pensée pour mon épouse et mes trois enfants, qui sont encore au pays et qui, eux, continuent de faire l’objet de harcèlement. Je pense fortement à eux.
Toutes ces choses que nous subissons sont destinées à nous faire baisser les bras. Non, nous n’abandonnerons pas et nous n’avons pas le droit d’abandonner. » Ferdinand Ayité, directeur du journal l’Alternance.