Conditions d’hygiène déplorable et espaces restreints sont le lot de millions d’animaux élevés pour leur fourrure en Chine. Un cocktail explosif qui pourrait permettre à des virus issus de la vie sauvage de s’adapter et de se transmettre aux humains, avertissent des scientifiques dans une étude inquiétante.
Si la France a interdit en 2021 l’élevage d’animaux sauvages pour la fourrure, la Chine reste un acteur majeur de cette industrie, et les fermes de visons, renards arctiques ou encore chiens viverrins sont encore largement répandus dans le pays.
Problème : au-delà des préoccupations éthiques liées au bien-être animal dans ces élevages intensifs, les fermes de fourrure représentent une menace sanitaire importante. Les animaux élevés dans des conditions de promiscuité sont susceptibles de devenir des hôtes pour de nombreux virus, accroissant le risque que des virus présents dans la faune sauvage se propagent aux humains, comme cela a été observé avec la pandémie de Covid-19, qui s’est répandue dans plusieurs fermes à visons en Europe.
Une étude récente, l’une des plus vastes jamais réalisées, s’est donc intéressée de près aux virus présents dans les fermes de fourrure en Chine. Les chercheurs ont analysé les échantillons de tissus pulmonaires et intestinaux de 461 animaux, principalement issus d’élevages intensifs du nord-est de la Chine. Parmi ces animaux, 164 provenaient de quatre espèces élevées exclusivement pour leur fourrure : les visons, les renards roux, les renards arctiques et les chiens viverrins. Les autres échantillons provenaient d’animaux élevés à la fois pour leur fourrure, mais aussi pour la consommation ou la médecine traditionnelle : cobayes, cerfs et lapins.
Des nids à zoonoses ?
Les résultats, publiés dans la revue Nature, ont révélé la présence de 125 virus différents, dont plusieurs à « haut-risque » pour l’humain. Parmi eux, 36 étaient complètement nouveaux, et beaucoup ont été découverts chez des espèces qui n’étaient pas encore connues pour héberger ces virus. Par exemple, le virus de l’encéphalite japonaise a été détecté chez les cobayes et le norovirus chez les visons.
L’étude a également mis en évidence la présence d’un virus de la grippe aviaire H6N2 chez un rat musqué, une première chez les mammifères. Mais le plus alarmant reste la découverte d’un coronavirus de type HKU5 chez les visons, auparavant uniquement identifié chez les chauves-souris, et qui pourrait potentiellement s’adapter au récepteur ACE2 humain, à la façon du SARS-CoV-2.
Des découvertes qui confirment ce que les chercheurs soupçonnaient : les fermes de fourrure peuvent être des lieux où des virus, jusque-là confinés à la faune sauvage, pourraient franchir la barrière des espèces et se propager à l’Homme.
Les scientifiques impliqués dans l’étude préconisent donc une régulation stricte de l’industrie de la fourrure, ainsi que des mesures de biosécurité renforcées : mise en quarantaine des animaux, réduction de la surpopulation et des règles strictes concernant l’hygiène des cages et la gestion des déchets.
Certains experts appellent à la suppression pure et simple de ces fermes afin d’éliminer les risques sanitaires liés à ces élevages. Une recommandation qui pourrait rester lettre morte dans le premier pays producteur de fourrures au monde, malgré un marché mondial affaibli par les préoccupations grandissantes autour du bien-être animal.
Futura-Sciences