Des observateurs estiment qu’une lueur d’espoir persiste pour que les pressions internationales aboutissent à stopper, ou du moins à réduire, l’effusion de sang, et ce pour une série de raisons et de calculs.
Des observateurs estiment qu’une lueur d’espoir persiste pour que les pressions internationales aboutissent à stopper, ou du moins à réduire, l’effusion de sang, et ce pour une série de raisons et de calculs.
Le chercheur Yacine Témimi : Le principal indicateur, montrant que la crise sera toujours présente en 2022, est la poursuite de la guerre à un rythme assez élevé et que les Houthis ne désespèrent toujours pas d’atteindre leur but consistant à faire chuter la ville stratégique de Ma’rib.
Le journaliste Ali Féquih : L’année 2022 sera pire politiquement et je prévois que les efforts de l’émissaire onusien vont complètement échouer.
Avec le début de l’année 2022, le conflit au Yémen s’engage dans de nouveaux tournants qui n’indiquent aucune percée, à la faveur d’une solution politique, en dépit des efforts déployés pour mettre fin à une crise qui perdure depuis environ sept ans.
En ce début d’année, les chances d’une solution politique s’amenuisent, compte tenu de l’escalade politique en continu menée par les Houthis, en particulier, dans la province de Ma’rib, riche en gaz et en pétrole (est), et bastion de la légalité yéménite.
De son côté, la Coalition arabe, qui est conduite par l’Arabie Saoudite, poursuit ses raids aériens lancés au cours de la période écoulée, en soutien aux forces gouvernementales.
Pour sa part, l’émissaire des Nations Unies pour le Yémen, le suédois Hans Grundberg, poursuit, depuis sa nomination à son poste au mois d’août dernier, ses tournées et déplacements entre plusieurs capitales de la région, dans le but de rapprocher les points de vue entre le gouvernement yéménite et les Houthis, afin de parvenir à une solution politique, et ce parallèlement aux visites effectuées par l’émissaire de l’Administration américaine, Tim Lenderking, désigné par Washington au début de l’année 2021.
Toutefois, ces tournées et efforts n’ont dégagé aucun indice qui pourrait aboutir à une fin proche du conflit, si l’on se réfère au nombre des personnes déplacées, qui s’élève selon le gouvernement yéménite, à plus de quatre millions de personnes.
La difficile situation économique et l’effondrement de la monnaie locale jouent, aussi, un rôle de premier plan dans le conflit, en particulier, la scission économique entre les zones contrôlées par le gouvernement et les régions placées sous l’emprise des Houthis.
De même, cette situation économique impacte sur les grands différends au sein du camp de la Légalité, au vu du contrôle par le Conseil transitoire, appuyé par les Emiratis, de plusieurs régions à Aden ainsi que dans d’autres villes situées dans le sud du pays.
La complexité de la guerre au Yémen s’enchevêtre avec le conflit qui secoue la région, si l’on prend en considération les dialogues souvent évoqués entre Riyad et Téhéran d’une part, et la réconciliation entre les pays du Golfe et son impact d’autre part.
De nombreux observateurs estiment que le Quartette international, qui exerce une influence au Yémen, (Arabie Saoudite, Emirats, Etats-Unis, Royaume-Uni), ainsi que l’Iran, qui est accusé de soutenir les Houthis, sont les parties qui possèdent les clefs de toute solution, aussi bien politique que militaire.
Après près de sept ans de guerre, la situation au Yémen parait, à l’orée de l’année 2022, encore plus compliquée qu’elle ne l’était auparavant. L’année 2021 a été chargée d’évènements qui ont rendu l’aboutissement à une solution politique encore plus difficile, pour les quatre émissaires onusiens qui l’ont précédé, bien qu’une lueur d’espoir demeure pour que les pressions internationales aboutissent à stopper, ou du moins à réduire, l’effusion de sang, et ce pour une série de raisons et de calculs.
Prolongation des crises
Dans une entrevue accordée à AA, le chercheur yéménite Yacine Témimi a énuméré les indicateurs prévoyant que la crise et la guerre au Yémen se poursuivront, avec toutes leurs dimensions négatives aux plans politique, humanitaire et militaire durant l’année 2022.
« Le principal indicateur est la poursuite du rythme actuel de la guerre terrestre et aérienne et le fait que les Houthis ne désespèrent pas d’atteindre leur objectif, consistant à s’emparer de Ma’rib, d’autant plus qu’ils n’ont pas de volonté franche de progresser sur la voie de la résolution politique, si aucune pression militaire réelle ne sera exercée à leur encontre », a-t-il dit.
« Cela ne paraît pas possible pour le moment, compte tenu de la poursuite de la politique de l’appui militaire tronquée et réduite adoptée par la Coalition envers le partenaire yéménite qui représente la légalité et son armée nationale », a-t-il encore souligné.
Il cite également, parmi les indicateurs de la prolongation de la crise « la poursuite d’une approche négative consistant à aménager le paysage politique dans les provinces du Sud au profit du camp hostile au Yémen fédéral et la volonté de réunir les conditions politiques et sociales requises pour morceler et dépecer le pays, en se fondant sur la prétendue Cause des sudistes, tout en insistant à faire preuve de jusqu’au-boutisme en poussant cette cause au palier de la séparation ».
La Cause sudiste remonte à l’année 2007, lorsque plusieurs provinces du Sud du pays ont été le théâtre de protestations au sujet de l’affaire des terrains et réclamant les droits d’anciens officiers mis à la retraite d’office après la guerre de l’été 1994.
Le Conseil transitoire veille à restreindre l’affaire dans le seul projet de séparation qu’il adopte et qui est appuyé par les Emirats, tandis que d’autres factions du Sud estiment qu’il s’agit d’une question politique et de droits de l’homme qui a été traitée à travers les conclusions du Forum du Dialogue national.
Ces conclusions se sont articulé, notamment, autour d’un partage équitable du pouvoir et des richesses et du traitement de l’affaire des retraités et des terrains. L’Accord de Riyad est venu confirmer la parité au sein du gouvernement entre le nord et du sud, toutes forces politiques confondues.
Témimi a relevé que « la recrudescence des combats dans les zones environnantes et à proximité de Ma’rib et dans d’autres fronts, parallèlement à l’escalade entre le camp de la Légalité et le Conseil transitoire sudiste séparatiste, indiquant que cette dichotomie n’est pas étrangère ni méconnue par la Coalition qui tire les ficelles de la guerre ».
Témimi a ajouté que « Les Houthis ne disposent pas de la force nécessaire pour remporter une victoire sur le terrain, bien qu’ils demeurent attachés à l’option de l’affrontement militaire jusqu’au bout, en se fondant sur une politique qui fait peu de cas à la base des pertes que pourraient essuyer les yéménites ».
Une fin dramatique
Et Témimi de poursuivre : « Si un changement est prévu au cours de l’année 2022 dans le déroulement de la guerre, il ne sera pas tributaire de l’usage de la force militaire mais plutôt pour d’autres considérations ».
Parmi ces principales considérations figurent « les pressions pouvant être exercées par Washington pour trancher la guerre et mettre fin à ses retombées humanitaires, tout en adoptant à nouveau la politique du chantage de l’Administration démocrate, en se fondant sur sa volonté à octroyer à l’Iran une chance pour exercer une influence régionale, en contrepartie de concessions portant sur son programme nucléaire ».
Témimi n’exclut pas le fait qu’une « fin dramatique de la guerre, en dehors du système politique et militaire, est possible ».
Selon lui, « cette fin dramatique sera motivée essentiellement par le besoin de l’Arabie Saoudite d’obtenir une réalisation et une fin appropriée au conflit, pour la libérer des retombées et des impacts de cette guerre sur le Royaume et sur les ambitions politiques du prince héritier Mohammed Ben Salmane, qui fait encore face à des difficultés pour redorer son blason et récupérer son influence internationale ».
Il s’agit, selon notre interlocuteur, d’un « besoin impérieux lié au plan de transition verticale du pouvoir au Royaume, et ce pour la première fois de son histoire », a-t-il dit.
Témimi pense également que les « Emirats semblent intéressés par une fin de la guerre, partant de leur volonté d’y mettre fin au détriment de la situation précaire et fragile dans la géopolitique yéménite, en plus de la volonté d’Abu Dhabi de résoudre le problème généré par son adhésion à la guerre et se débarrasser de ses retombées sur l’économie émiratie ».
Une situation plus complexe
Le journaliste yéménite Ali Féquih a souligné, de son côté, que la situation au Yémen s’est dirigée vers davantage de complexité, compte tenu de l’escalade militaire qui va générer un plus lourd bilan en termes de victimes militaires et civiles. Ainsi, la situation politique s’est complexifiée davantage et les chances et opportunités des solutions politique s’amenuisent.
Dans une déclaration accordée à Anadolu, le journaliste a estimé que « l’année 2022 sera pire au plan politique, prévoyant un échec total des efforts qui seront consentis par l’émissaire onusien, à l’instar de ceux qui l’ont précédé », qui n’ont, selon lui, « fait que de sur place », attestant cela par la première intervention de du nouvel l’émissaire onusien devant le Conseil de sécurité il y a de cela une dizaine de jours.
« Il n’y a aucune solution qui se profile à l’horizon, de même que les protagonistes du conflit ne semblent pas prêts à discuter autour d’une table du dialogue », a-t-il dit.
En effet, « à chaque fois que la force militaire des Houthis, appuyés par l’Iran, se consolide, les chances de parvenir à une solution pacifique se réduisent, dans la mesure où cela accroit leur confiance et leur arrogance, renforçant, par ailleurs, leur sentiment que ce qui leur a été spolié par la force, ils ne peuvent pas le céder par les voies pacifiques ».
Notre interlocuteur motive une partie de cela par « la déviation de la démarche de la coalition conduite par l’Arabie Saoudite, qui est intervenue pour soutenir le gouvernement légal ».
Il a précisé que « cette déviation a contribué à la détérioration du paysage et provoqué un affaiblissement et une fragilisation du camp de la légalité, devenu désormais scindé en plusieurs blocs, tandis que les Houthis ont toujours préservé leur unité ».
Des équations difficiles
Féquih relève « la baisse du rendement militaire de la Coalition, qui manque de confiance en ses partenaires sur terrain, et qui préfère la création de milices armées, avec qui elle s’entend, et qui sont dirigées directement loin des institutions spécialisées de l’Etat » yéménite.
« Le fait que l’armée relevant du gouvernement légal soit dépourvue d’armes de qualité et de munitions suffisantes pour faire la différence et prendre le dessus lors du déroulement des combats, en plus du non-paiement des salaires des soldats, cela a généré une perte de zones qu’elle contrôlait précédemment au cours des deux années écoulées », a poursuivi notre interlocuteur.
Il a mis en garde contre la « poursuite de cette situation qui pourrait amener à une perte grandissante de zones contrôlées par l’armée loyale au cours de l’année en cours ».
Le journaliste estime que « Ma’rib représente l’équation la plus délicate dans la mesure où elle constitue l’un des derniers bastions de l’armée loyale au gouvernement légal ».
« En cas de perte par le gouvernement du contrôle de Ma’rib, cela balisera la voie à la domination par les milices des Houthis de la région, ce qui signifie le passage à une nouvelle phase de la guerre qui pourrait se transformer en un conflit oublié, à long terme », a-t-il ajouté.
« Cette configuration aboutirait au morcellement du pays compte, tenu de la présence de forces locales souhaitant et préparées à cela et qui sont appuyées par des parties régionales », a-t-il poursuivi.
Le gouvernement yéménite confirme, à chaque occasion, que les Houthis ne veulent pas progresser sur la voie de la paix, tout en accusant l’Iran d’exercer des pressions sur les Houthis pour poursuivre la guerre, utilisant cela comme une carte dans le dossier nucléaire, objet de négociations Téhéran avec les puissances mondiales.
Finalement, les Iraniens font peu de cas de la situation détériorée dans le pays et de l’aggravation du bilan des victimes, tandis que les Houthis exigent que le paysage yéménite soit débarrassé de la présence de la Coalition arabe.
Au cours de la période écoulée, des personnalités influentes dans le camp de la légalité yéménite, à l’instar de Ahmed Ben Daghr et de Abdelaziz Jebbari, ont appelé à la mise sur pied d’une Alliance de Salut national et à se diriger vers un Dialogue national sous parrainage onusien, avec comme objectif de stopper la guerre, de préserver la République et l’unité nationale. Cet appel a eu un grand écho entre acceptation, rejet et réserves.
Source : AA